Don't you belive in me ? || HA JI HOON

Devil † Keeper

feat.

12 avril - 00h40

La nuit, je goûtais Tokyo, littéralement. Oh, comme je détestais les Humains, et comme j'adorais ce qu'ils bâtissaient ! Une cité comme Tokyo était un véritable bijou, de l'acier et de la terre, du sang et des larmes, un monstre de noirceur et de désespoir qui déployait ses tentacules inhumaines jusque dans le cœur des gens. Dans cette ville, personne ne connaissait personne, et les appels à l'aide résonnaient dans le vide, surtout ceux qui venaient du cœur. Dans cette ville, les gens étaient malheureux, et personne ne s'en souciait. Quelle fantastique période pour les Hommes. Il ne fallait pas s'étonner que Dieu ait décidé de leur envoyer l'Apocalypse. Ils étaient morts, tous, et ils ne le savaient pas encore. Et sur ma langue, je goûtais le métal, le sang et les larmes, et les cris silencieux de millions d'êtres humains en perdition.

Mais cette nuit, je cherchais une aura particulière, une aura que j'aurais pu reconnaître entre mille, en cent mille, entre un million d'autres auras. Cette affreuse pluie avait cessé le mois dernier, et les rues étaient de nouveau le royaume des créatures surnaturelles. Je savais qu'il était là, quelque part. Il ne dormait pas beaucoup, il n'aimait pas rester inactif, il avait besoin de bouger, d'agir, de ne surtout pas penser. Comme les Humains, et après tout il leur ressemblait tellement, le noir et le silence l'obligeaient à faire face à ses peurs les plus terribles, et il n'aimait pas ça, alors il bougeait, toujours. Cette nuit, je savais qu'il était quelque part ici, j'avais le goût de son aura, de sa folie dans la bouche.

Les quartiers chauds, bien sûr. Ici se concentrait toute la misère humaine, les gens venaient y traîner leur solitude et leur besoin de s'aveugler, de s'enivrer, de tout oublier. Le quartier de la déchéance des Humains. Pitoyable. Le jour où ce monde s'effondrerait, je viendrais peut-être y assister d'ici, pour être aux premières loges.

Je planais paresseusement dans le ciel noir, si noir, où pas un humain n'aurait pu me voir même en me cherchant tant les Hommes avaient éclairé leur ville, petites créatures effrayées par les ténèbres, protection pathétique, éphémère, et qui ne faisaient en fait que renforcer l'obscurité qui les encerclait. Au-dessous de moi serpentaient des ruelles bondées, faites de néons fluorescents, de bars, de clubs d'hôtes, et coincés entre eux, de ces hôtels misérables où les hommes tentaient d'étancher leur soif misérable de compagnie dans un ballet grotesque d'allées et venues.

Là. Il était là.

Pas à l'intérieur d'un de ces bâtiments minables, mais dans la rue, devant, il errait, ou il prenait simplement son temps, je ne n'aurais pas su le dire, mais il tournait plus ou moins en rond dans ce coin pourri. Malgré la foule, les gens l'évitaient sans même s'en rendre compte, poussés par un instinct dont ils faisaient souvent preuve en notre présence. Même les rabatteurs de love hotels et de clubs d'hôtes lui tournaient vaguement autour sans oser l'approcher pour tenter de le convaincre d'entrer. J'esquissai un sourire. Pourtant, il était le plus seul d'entre tous, peut-être en aurait-il eu bien besoin !

Mon jouet. Mon adorable Ji Hoon.

Je me posai dans un endroit sombre de la ruelle, drapée dans mon aura et un peu d'illusion, et de toute façon personne n'aurait levé les yeux pour regarder l'autre, personne ne m'aurait remarquée. D'un pas dansant, j'allai le rejoindre. Je savais qu'il savait que j'étais là. Il avait senti mon aura, et moi je sentais la sienne devenir tumultueuse à mesure que j'approchais. La peur ? Non, il n'avait jamais peur, jusqu'à en mourir, c'était pour ça que je l'aimais tant. La colère, la rage, une envie de tuer, là, tout de suite, tellement violente qu'elle en était douloureuse, voilà ce que c'était peut-être. Mais pas de la peur.

Je le rejoignis au coin d'une ruelle sombre et déserte et passai mon bras autour du sien. Un geste fou, peut-être allait-il exploser d'une rage qui balaierait toute la ruelle, mais peut-être pas. N'était-ce pas amusant ? N'étais-je pas folle, moi aussi ? J'approchai mon visage du sien et soufflai contre sa joue :

« Je t'ai cherché partout Ji Hoon. On dirait que toi non plus tu ne peux pas dormir. Que cherches-tu ce soir ? Si tu veux, on peut s'amuser ensemble. »

Aion † Walker

Aujourd'hui était un jour comme un autre. Depuis un certain temps, il ne se passait plus rien de spécial, et cela se ressentait dans mon humeur. Morose, presque dépressive, noire, sombre, agitée. Démentielle. J'avais besoin de bouger, d'agir, de faire quelque chose. Je détestais cet état passif dans lequel j'étais. J'avais une certaine envie de voir Tomoya. Lui seul pouvait me calmer, me dire quoi faire, m'empêcher de commettre l'irréparable ou pire, j'en étais bien conscient. Et puis il y avait d'autres personnes qui pouvaient me faire l'effet totalement inverse. Les deux options étaient envisageables. J'avais besoin de faire quelque chose, de bouger, c'était tout. Et il y avait bien quelqu'un qui rentrait parfaitement dans la deuxième catégorie de personnes que je venais de citer... mais je refusais de penser à "elle". Rien que le fait de penser à son nom ou à sa silhouette dans l'ombre faisait s'agiter mon aura jusqu'au plus profond de moi d'un colère immense.

Non, je refusais de penser à elle, de la voir ou quelque chose d'autres.

Ne pas vouloir avoir un tête à tête avec l'une des créatures que je détestais le plus au monde... était totalement contradictoire avec mes principes, en vérité. J'aimais chercher la confrontation avec les anges et les démons, sentir ma vie s'échapper et la rattraper au dernier moment. Croyez-moi, c'était une façon parfaite pour se sentir justement vivant. Mais elle... c'était juste impossible. Ma colère était immense en la voyant, une rage folle... mais aussi une détresse affreuse. Et je m'accrochais à elle désespérément, parce que ses paroles concernait directement quelqu'un que j'aimais profondément d'un amour vicieux et incompris, ma propre mère. Et sans le vouloir, je m'accrochais à elle parce qu'elle était la seule qui prouvait que ma mère avait bien existé et qu'elle était autre chose que l'horrible femme, mais pourtant magnifique, qui m'avait en partie détruit.

Mon aura était infernale. Autour de moi, les gens me regardaient étrangement. Inconsciemment, ils sentaient cette aura qui ne leur disait rien qui vaille. De mon côté, je m'en fichais totalement. Les humains ne m'intéressaient guère, de toute manière. Qu'ils pensent ce qu'ils veulent. Mais de toute façon, je ne pouvais pas dormir, alors que je venais de penser à tout ça. C'était tout bonnement impossible. Aussi, je marchais. Je n'avais pas de destination particulière, mais rien que ce paysage qui défilait devant moi avait quelque chose d'apaisant... Enfin, il y avait plus apaisant que les quartiers chauds de Tokyo, parce que vu tout ce qu'il s'y traînait... Niveau paix, il y avait mieux.

Je m'arrêtai au milieu de la rue, soudainement. Elle était là. Je ne savais pas où, mais elle était là. Quand on parle (ou pense à, en l'occurrence) du loup... Une soudaine panique me prit, mais je me calmais rapidement. Je ne pouvais pas avoir peur, je détestais avoir peur, ça n'était pas pour moi. Et ça lui ferait trop plaisir aussi. A la place, la panique se remplaça par la haine. Mes mains tremblaient d'une rage malsaine.

Je voulais faire comme si de rien n'était, comme pour retarder le moment de notre rencontre, aussi je me remis à avancer. Contradictoire quand on sait que j'étais aussi impatient. Je la sentais se rapprocher. Et finalement, son bras autour du mien. Rien que ce contact m'enflamma, tous mes instincts me disaient de laisser sortir ce que je ressentais... mais étonnamment, je ne fis rien, je restais impassible et je me contrôlais. Qui sait... peut-être que je n'étais pas capable de m'en prendre à Ah Joo Hee.

Et rien que cette pensée était affreusement agaçante.

D'un léger coup d'épaule, je me dégageais de son emprise. Je savais que tout cela l'amusait... Je plantais mon regard, empli d'une tempête d'émotions toutes différentes les unes des autres, dans le sien.

« Aucun démon avec qui parler ? Je ne sais pas, la compagnie d'un aïon, ce n'est pas ce qu'il y a de mieux, non ? »

Je jouais avec le feu, j'étais fier de ça et amusé. Je souris. Et voilà comment deux fous se tournent autour pour se torturer les uns des autres.

Devil † Keeper

Inconsciemment, je sentis mon corps se détendre, même si je restais sur mes gardes. Il n'y aurait donc pas d'explosion de violence, du moins pas tout de suite. Ji Hoon était un peu comme une roulette russe, voilà pourquoi je l'adorais, pourquoi j'adorais jouer avec son esprit. Oh bien sûr, je sais que c'est pathétique quelque part. Un peu comme si j'avais repéré quelqu'un d'aussi fou que moi et m'y accrochais désespérément. Il n'y a que les gens dérangés qui trouvent du plaisir dans le malheur des autres. Quelque part, c'est ainsi que je pensais à lui. Je n'étais pas la seule à souffrir. Et plus je jouais avec lui, plus il avait mal. Et cela mettait un peu de baume sur mes propres souffrances. Une vraie drogue. De même que son aura, complètement chaotique. Tous les Aïons ont une aura tumultueuse, ne serait-ce que parce qu'ils mélangent plusieurs origines surnaturelles et humaines, et parce que leur petit corps renferme trop de pouvoir et que sans s'en apercevoir, ils dépensent énormément d'énergie à la contenir. Mais l'aura de Ji Hoon est pire que tumultueuse, c'est une vraie tempête d'émotions, de rancœur, de rage, de solitude et surtout, d'espoir, car oui, malgré tout, il cherchait sans cesse quelque chose ou quelqu'un qui pourrait le sortir de ses ténèbres. Mais ce soir, personne ne viendrait l'aider. C'était moi qui l'avais trouvé la première !

A ses paroles, je fis la moue et hochai les épaules d'un air boudeuse.

« Tu sais, nous les démons ne sommes pas comme les humains, on ne traîne pas en groupe pour se rassurer les uns les autres. Nous sommes des créatures solitaires. Mais tu le sais bien, tu as grandi avec une démone. Et tu lui ressembles. Toi aussi tu es seul, toujours tout seul. »

Quelque part, c'était pathétique. Sa démone de mère était puissante et respectée en Enfer, avant qu'elle ne s'enfuie sur Terre. Elle pouvait mettre au pas de nombreux démons, et elle conseillait son prince, qui l'écoutait toujours avec attention. Bref, à mes yeux, elle était ennuyeuse, mais jamais je n'aurais cru qu'elle ait été du genre à donner naissance à une abomination hybride sur Terre. Et il était clair que la démone que je connaissais, et celle que Ji Hoon avait connu n'avaient rien à voir l'une avec l'autre. Mais quoi de plus normal ? Si je devais un jour me faire engrosser par un humain, moi aussi je deviendrais folle. Oh, mais je l'étais déjà !

« Je me disais que peut-être tu aurais voulu en savoir un peu plus sur ta mère. Ça me désole que tu ais ce genre d'émotions vis-à-vis d'elle, alors qu'elle était si charmante, si sage, si charismatique... »

Une fois encore, je jouais avec le feu. Et puis, pouvait-il seulement faire le lien entre la description que j'en faisais et la mère qu'il avait connu ? Mais c'était aussi cela qui était amusant, non ?

Je levai la main et la posai sur sa nuque, avant de la faire glisser sur sa joue.

« Elle était comme une mère pour beaucoup de jeunes démons. Je l'ai vue chanter des berceuses à certains... Les rassurer, les caresser ainsi pour les apaiser... Mais après tout tu sais déjà tout ça... »

Aion † Walker

Ce simple contact entre nous deux m'enflammait de l'intérieur. Ma haine et ma colère me faisaient presque mal, à être retenues ainsi. Je poussais un soupir, me forçant à me calmer. Ce qui relevait du miracle. En temps normal, j'aurais laissé sortir toute cette tempête d'émotions incontrôlables. Mais là, ce n'était pas en temps normal. Avec Joo Hee, je n'osais pas l'attaquer. Déjà parce qu'elle avait une puissance bien plus supérieure à la mienne, et lors de notre premier combat, je n'en étais pas ressorti indemne. Enfin, mes propres blessures ne me gênaient pas non plus, en général... Mais ce qui me dérangeait le plus, c'est que si je tentais quoi que ce soit contre elle, je pouvais perdre la seule personne qui pouvait prouver et raconter que ma mère a bel et bien existé et n'a pas toujours été ce monstre que j'ai connu.

Mais dès que Joo Hee parlait, elle faisait la plupart du temps allusion à ma mère par n'importe quel moyen. Et à chaque fois, mon coeur s'emballait, à la fois heureux et blessé d'entendre parler d'elle.

« La solitude peut faire du bien parfois, tu sais. »

Je tentais de me justifier. Oui, j'étais seul. Comme toujours. J'étais habitué. Mais Joo Hee savait exactement quelles étaient mes faiblesses et où frapper. Et ce que j'entendais par là, c'est que je voulais également être seul. Qu'elle me laisse tranquille une bonne fois pour toutes... Mais était-ce vraiment ce que je voulais ?... Je ne crois pas. Je ne savais pas. Mais une chose était sûre...

Si Joo Hee venait de me trouver ce soir, je ne pouvais compter sur personne pour me sortir de ses griffes. Elle avait raison, j'étais seul. Totalement seul. Encore une fois, elle avait raison.

« Laisse-moi. S'il te plaît. »

Je prononçais ces derniers mots avec difficulté. Je n'aimais pas admettre mes faiblesses... Mais de toute manière, je venais de dire ça en vain. Joo Hee n'en avait que faire, de ce que je voulais, et continuerait de tourner autour de moi jusqu'à ce qu'elle en ait assez de me torturer, ce qui ne serait pas demain la veille. Je crois que le pire dans tout ça était que je savais qu'elle me détruisait de l'intérieur, mais que je ne faisais absolument rien pour l'en empêcher. J'étais faible.

Je faisais semblant de ne pas écouter son récit, le regard braqué devant moi malgré l'absence de choses intéressantes à voir... Mais en vérité, mes oreilles captaient absolument tout de ce qu'elle disait. Ca faisait mal. Ca faisait mal de savoir que c'était de ma faute si ma mère était devenue aussi folle, était devenue la honte de l'Enfer tout entier. Tout ça à cause de moi. C'était là les sous-entendus de Joo Hee que j'avais parfaitement compris.

Et encore une fois, elle avait raison.

Honteux et rongé par la culpabilité, je poussais un léger soupir. Une demande me brûlait les lèvres et je me savais incapable de retenir cette requête. J'avais besoin de savoir.

« Parle-moi d'elle. Dis-moi en plus sur elle. »

Je ne savais même pas si j'étais conscient ou non du fait que oui, Joo Hee m'avait encore une fois attiré dans ses filets, sa toile, ses pièges ou quoi que ce soit d'autres avec succès.

Devil † Keeper

« Mais tu connais déjà tout de ta mère, Ji Hoon. La femme que tu appelais maman n'était pas la démone que j'ai connu. Je connaissais la démone, tu connaissais la mère, c'est aussi simple que ça. »

« Elle disait qu'elle détestait les Humains. Regarde-les, comme ils sont nombreux, bruyants, sans cesse en train de pleurer, de gémir, de hurler, de supplier, de désirer, de jalouser... J'en ai mal à la tête rien que de les regarder. Et ta mère les détestait, tous. Quel calvaire que de devoir vivre parmi eux, coincée sur ce monde... »

Aion † Walker

Spoiler:

Quelque part, il y avait de l'ironie. De l'ironie qui n'était là que pour m'enfoncer encore un peu plus dans la douleur due à l'absence de véritables parents dignes de ce nom. Joo Hee avait faux. En enfer, ils avaient connu ma propre mère comme la leur, tandis que de mon côté j'avais connu la démone. N'y a-t-il pas plus ironique que ça, les rôles inversés ? Bien sûr, j'aurais pu me contenter des multiples familles adoptives dans lesquelles j'avais atterri. Mais une mère restait une mère, qu'importe ce qu'elle faisait à son enfant, non ? On ne parlera même pas de mon père qui de toute façon était sûrement mort bien avant ma naissance. Etonnamment, je pensais très peu à lui comparé à ma mère.

Scrutant la foule humaine, je m'interrogeais. Si j'avais été humain à part entière, quelle genre de vie je mènerais ? Etait-ce si bien de faire partie de cette foule, de cette masse et de passer inaperçu ? Dans tous les cas, si j'avais été humain, je n'aurais sûrement pas eu une vie de rêve, comme celle que j'avais en ce moment-même. De toute manière, je n'avais aucune honte à être un aïon. Le seul moment où je n'avais pas voulu en être un, c'était lors de mon enfance. Ma mère ne serait pas ce qu'elle était devenue, et elle ne serait surtout pas morte.

Mais là, j'étais surtout perdu. La détresse et la peur que je ressentais, je ne savais les exprimer que par haine et colère. J'avais besoin de les extérioriser, maintenant. Mais pas de cette façon. Pas contre elle. Pas maintenant.

Je ne bougeais pas d'un pouce, pas même les yeux, tandis qu'elle se rapprochait de plus en plus de moi, restant totalement de marbre. Il n'empêche qu'il y avait quelque chose qui me sautait aux yeux, au fur et à mesure que Joo Hee parlait.

« Pourquoi tomber enceinte d'un humain si elle les détestait tant ? »

Une question bête, sûrement. Je n'étais peut-être qu'un enfant non voulu, c'était tout à fait possible et surtout probable. Mais une démone qui tombe dans les filets de la séduction d'un humain, n'était-ce pas un peu paradoxal ? C'était louche, tout ça... J'avais réussi à garder mon "calme" assez longtemps, mais cela ne pouvait durer, aussi je me dégageais une nouvelle fois de son emprise, et ce pour une bonne raison : lui faire face et la regarder franchement dans les yeux pour la première fois depuis le début de cette nuit. Une sorte de lueur de défi prenait place dans mon regard.

« Je sais qu'il y a des choses que tu ne me dis pas. Elle ne peut pas tomber enceinte comme ça d'un humain alors qu'elle les déteste tant. Elle ne peut pas changer radicalement juste à cause de... moi... non ? »

Allez savoir si je ne disais pas ces mots pour me rassurer moi-même. Je ne remettais pas en cause les paroles de Joo Hee. Aussi dingue que cela puisse paraître, je la croyais. Peut-être parce qu'elle était la seule qui pouvait me parler d'"elle"". Même sans preuves. En vérité, je ne contrôlais plus rien de cette histoire, je ne savais pas quoi faire.

« Dis-moi, qu'est-ce que je suis censé faire maintenant ?... »

J'avais besoin de cette réponse. Pourquoi étais-je venu au monde, si c'était pour être continuellement en train de combattre contre la Mort qui allait finir par me rattraper tôt ou tard ? Il y avait quand même quelque chose d'étrange dans cette façon que j'avais de toujours me tourner vers Joo Hee lorsque j'avais ce genre de questions. Elle était une sorte de guide. Un guide que je haïssais tellement et dont j'avais tant besoin. De toute façon, quoiqu'elle me dise de faire, je finirai par l'écouter et le faire.

Personne ne pourra m'aider contre ma folie et la sienne, si ce n'est que l'alimenter, hein ?

Devil † Keeper

Spoiler:

C'était un fil, et Ji Hoon marchait dessus, perdant régulièrement l'équilibre sans pour autant tomber d'un côté ou de l'autre. Pendant un moment, je crus bien qu'il allait tout lâcher, se laisser dévorer par sa folie. Ses yeux, si plein de détresses... Appeler à l'aide, oui, mais qui ? Qui pouvait l'entendre ? Personne, car il était seul, tout seul, et c'était aussi pour cela que je pouvais le torturer à ma guise. Et puis soudain, il se redressa, se dégagea de mon emprise et me fis face. Des questions, toujours des questions... Quoique celle-ci devait le hanter depuis toujours. Le mystère des origines... Voilà bien un problème auquel étaient confrontés tous les Aïons, ces abominations hybrides... Humain, Ange ou Démon, de quelle origine était leur père ou leur mère ? Et une fois cette question résolue, une fois qu'eux-mêmes ont enfin goûté à leur propre aura et découvert à quel monde il devait leur vie pathétique, venait l'autre question, la plus importante : pourquoi ? Pourquoi deux êtres aussi différents avaient-ils engendré un enfant ? La plupart du temps, ce n'était pas par amour, oh non... Cela arrivait bien sûr, c'était bien le plus ignoble : l'amour !

Mais beaucoup d'Aïons étaient issus de plans tissés bien loin dans le temps ou dans l'espace. Le résultat de manœuvres, de complots. Ou bien de violence, bien sûr. Les démons aimaient bien s'amuser avec les Humains. Les Anges, coincés qu'ils étaient par leurs histoires de tabou, avaient plus de mal. En ce qui concernait la mère de Ji Hoon... Elle n'avait jamais voulu me dire pourquoi. Un Humain, ce fut tout ce qu'elle me dit. d'une voix sans émotions, de sorte qu'il me fut impossible de savoir ce qu'elle-même en pensait. Mais une chose était sûre.

« Mais Ji Hoon, tu le sais, non ? Que sa haine des Humains lui est venue après ta naissance... »

Mensonge, vérité, peu importait après tout.

« Tu sais bien que certains Humains ont des dons, et certains peuvent être dangereux pour nous, les créatures surnaturelles. Peut-être que toi seul n'était pas en cause. peut-être que ton père a été le tout premier Humain qu'elle a détesté... »

Mes sous-entendus étaient on ne peut plus clair. Lui dire que son père avait peut-être réussi à obtenir sa mère de force, et que lui-même pouvait être le fruit d'un acte considéré comme ignoble ici, sur Terre... je ne faisais que m'amuser. Honnêtement, la mère de Ji Hoon était si puissante que je doutais qu'un seul Humains, dons ou pas dons, ait pu la violer. Non, ce devait être une bêtise. Je n'osais penser que ce fut de l'amour, mais tout était possible. Et le père en question était mort dans des circonstances troublantes. Il y avait beaucoup de raisons pour lesquelles elle aurait pu détester les Humains, et la disparition du père de Ji Hoon pouvait en être une après tout. Mais tout cela, il devrait y penser tout seul. Moi, je voulais juste semer le chaos dans son esprit.

« Elle n'a jamais eu le choix. Ton père, puis toi... rejetée des Enfers, humiliée, considérée comme une traîtresse et une abomination, tout ça à cause des Humains... ce sont eux qui sont en faute. C'est eux qui ont fait d'elle ce qu'elle est devenue. Et en toi, elle ne pouvait voir qu'un Humains. Tu étais le pire de tous à ses yeux. »

Je tendis une main vers la rue, là où les gens allaient et venaient, et rassemblai un peu de mon pouvoir. Devant moi, à une dizaine de mètres, un couple était en train de se chuchoter à l'oreille, appuyé contre un lampadaire. Soudain, la jeune fille porta la main à sa gorge, la bouche ouverte. Je pouvais voir son énergie vitale s'arracher de son corps et venir paresseusement vers moi. Je m'en prenais toujours aux femmes.

« Ils devraient payer... tous... » chuchotai-je.

Aion † Walker

Joo Hee avait tendance à parler par énigmes, me laissant découvrir ce qu'elle voulait me dire. Il n'était pas difficile de comprendre ses sous-entendus. Qu'importe s'ils étaient basés sur une vérité ou non. Je n'étais pas à ça près et je n'attendais que ça pour les croire. J'avais besoin qu'on me dise quelque chose et qu'on me donne les réponses que j'attendais. De toute façon, quel intérêt Joo Hee avait-elle à me mentir sur une démone qui n'était plus de ce monde ? Mais j'oubliais que je parlais à une démone et qu'elle pouvait trouver un amusement dans tout et n'importe quoi. Et tout ça pouvait être une source de divertissement parfaite, n'est-ce pas ?

Ne pas être un enfant désiré, je l'avais compris assez tôt et je m'y étais fait. Je n'étais pas le seul dans ce cas. Peut-être que mon père m'avait voulu, lui ? Lui qui avait disparu si mystérieusment et dont je ne connaissais même pas le visage, la voix ou même le nom. Ou peut-être pas. Ce n'était qu'un gros point d'interrogation et des doutes que j'associais à cet homme. Etait-il mort ou vivant ? Sûrement la première option, vu la haine des humains que ma mère avait. La seule chose que je savais à propos de lui est qu'il était humain et qu'il y avait donc tellement peu de chances que ma mère ait un enfant avec lui. Et pourtant c'était arrivé.

Être l'être qu'elle détestait le plus au monde, je m'y étais fait aussi, malgré tout le mal que ça pouvait me faire. Même si cela ne m'avait pas empêché de rester à ses côtés jusqu'à son dernier souffle. Je suivis des yeux l'endroit que pointait la main de Joo Hee. Oui... finalement, pourquoi devrais-je diriger ma haine seulement envers les anges et les démons ? Les humains étaient tout aussi fautifs. Pendant un moment, je restais là, sans bouger d'un millimètre, regardant une humaine mourir sous mes yeux à l'autre bout de la ruelle.

Mais je doutais. Partager quelques instants de sa vie, aussi courts soient-ils, avec des gens comme Chul Hei ou Miwa, que je ne pouvais éviter vu qu'ils étaient tout de même mes voisins, ça avait tendance à vous rendre plus sensible. (Non, je ne lui dirai jamais ça.) D'instinct, mes doigts s'enroulèrent autour du poignet de la main tendue de Joo Hee dans un geste brusque, comme pour essayer de stopper son geste. Mais j'évitais son regard et je ne dis rien. Je n'arrivais pas à me décider entre l'arrêter ou la laisser finir son travail envers la vie d'une femme. Je ne connaissais même pas la femme qu'elle était en train de tuer. Et Joo Hee n'avait pas tort, les humains étaient aussi fautifs de tout ce qui m'était arrivé... non ? Et je n'étais surtout pas un protecteur de l'humanité, loin de là. Je n'avais rien contre eux... jusqu'à maintenant.

Finalement, je laissais glisser mes doigts et mon bras revint le long de mon corps. Je ne regardais toujours pas Joo Hee, ayant peur de voir mon propre reflet dans ses yeux. Qu'est-ce que j'étais devenu ?

« Tu as sûrement raison... »

Je fixais à mon tour la foule. Le doute persistait toujours au fond de moi, (devais-je laisser mourir cette femme ou non ?) mais je n'étais pas de taille face à Joo Hee. Elle me connaissait peut-être mieux que moi-même...

« Les humains ne valent pas mieux que les anges ou les démons... »

Depuis quand étais-je devenu aussi faible ?

« C'est leur faute. »

Devil † Keeper

Pourquoi elle, pourquoi cette humaine, qui n'avait rien à voir avec moi, avec Ji Hoon, avec notre conversation ? Je n'avais besoin d'aucune raison pour m'en prendre à elle. C'était l'avantage d'être un démone. Les anges doivent être prudents quand ils veulent tuer un humain sans la permission des Cieux. Nous, les démons, sommes libres. Désordre, chaos, mort, nous pouvons leur faire ce que nous voulons, aux humains. Bien sûr, nous devons aussi en payer les conséquences seuls, en cas de problème. Pas de tribunal, pas de seconde chance comme les anges. Mais c'est très simple, il suffit de ne pas se faire attraper ! Je fixai cette humaine et à mesure que son énergie vitale la quittait, je sentais la haine monter en moi. Sans raison. Elle ne m'avait rien fait. Mais elle était là, tout simplement. Innocente, ignorante, vivant sa vie sans souci et affichant son amour au grand jour ! Peu m'importait son petit copain à genoux au-dessus d'elle et qui essayait de l'aider, où les quelques personnes qui s'étaient arrêtées pour regarder la scène, l'air mal à l'aise. Les humains... Tellement inutiles...

Soudain je sentis la main de Ji Hoon sur mon poignet. Je ne m'y attendais pas, trop plongée dans mes propres ténèbres, trop occupée à savourer la mort de cette fille. Par réflexe, je faillis retourner mon pouvoir contre lui. Mais au dernier moment, je repris pied dans la réalité. Et voilà, moi qui était venue m'amuser de Ji Hoon, j'avais fini par me laisser prendre à mon propre jeu ! Alors que c'était maintenant le plus intéressant. Allait-il me demander d'arrêter ? Ou bien allait-il m'aider ? Je lisais le combat dans ses yeux puis sur son visage, et finalement, sa main retomba le long de son corps. Un troisième choix, alors. Ne pas participer, ne pas intervenir, juste laisser faire. J'étais déçue, mais pas complètement. Cependant, sa décision prouvait qu'il n'était pas encore prêt à s'en prendre aveuglément à n'importe qui. Décidément ! A croire que, exactement comme moi, quelqu'un d'autre l'influençait quelque part dans ce monde, mais de façon positive. J'étais curieuse de savoir qui. Curieuse de me confronter à cette personne.

« J'ai raison Ji Hoon, crois-moi. Les gens qui te diront le contraire ne peuvent pas comprendre... Personne ne peut te comprendre à part moi. »

Je baissai la main à mon tour. De l'autre côté de la rue, la fille ne se réveilla pas. Mais elle n'était pas morte. Il lui restait encore un souffle d'énergie vitale. A elle de voir ce qu'elle en ferait. Peut-être n'ouvrirait-elle plus jamais les yeux, peut-être trouverait-elle la force de revenir dans ce monde. C'était bien plus amusant comme ça. Et j'étais charitable, non ? J'aurais pu la tuer. Une autre leçon, une vraie.

« Les Humains sont pires que les anges ou les démons, Ji Hoon. Ce sont eux qui nous rendent fous. C'est pour eux que nous nous battons sans cesse. Et c'est à cause d'eux qu'aujourd'hui, nous vivons l'apocalypse. »

Je reculai doucement dans l'ombre, m'éloignant de lui, et seule ma voix désormais résonnait dans les ténèbres, s'enroulant autour de lui comme une main éthérée, un souffle pour éteindre la flamme d'une bougie.

« N'écoute pas ceux qui te diront le contraire. Les Humains ne méritent pas de vivre. »

Et sur un dernier rire étouffé, je disparus, le laissant seul au milieu de tous ces humains, toutes ces créatures si différentes de lui et parmi lesquelles il ne pouvait pas se sentir chez lui - du moins, je faisais tout pour qu'il se sente ainsi...