« À notre futur, à notre vie de famille, à la merveilleuse femme qui m’a accepté tel que j’étais et que je suis toujours » me dit-il en me caressant les cheveux tombant en cascade sur le pourtour de mon visage.

Je rougis de son compliment si joliment tourné et bu à notre santé. Le vin était délicieux… et j’étais loin d’avoir tout vu. Du panier qu’il transportait depuis le début de notre périple, Chul Hei sortit des plats sentant très bons. Si bons que lorsque je me retrouvais avec l’entrée sous le nez, mon ventre gargouilla bruyamment.

- Oops. J’avais oublié de te dire que j’avais un petit passager dans mon ventre qui s’exprimait à mon insu quand j’avais faim… plaisantai-je.

Mais il ne s’exprima pas bien longtemps car déjà, je me régalais. Chul Hei m’avait amené un véritable festin. Des plats tous plus délicieux les uns que les autres. Je me demandai un instant si c’était lui qui les avait préparés… Si oui, je l’épousais de suite. Incorrigible gourmande, je ne mangeais que des bonnes choses et on pouvait facilement me retenir en me tenant par l’estomac.

« J’imagine que cette soirée sera bonne pour tous… et Kanon et Miho doivent surement prendre soin des deux plus jeunes, je ne regrette pas de t’avoir emmené ici, non, mais… Hana et Takeru sont tellement adorables que je ne peux me les sortir de la tête ! » soupira-t-il en regardant le ciel s’assombrissant.

- Ha ha ! Je comprends ! C’est aussi mon cas. Ils occupent tellement de place dans ma vie… ris-je doucement, balançant nonchalamment mon verre dans le creux de ma main pour faire décanter le vin. Néanmoins, je te rassure, si un jour je désires que tu oublies ce sujet de conversation pour quelques minutes, je te le ferai savoir. continuai-je en lui dédiant un regard aguicheur accompagné d’un fin sourire.

Car, certes, les petits étaient ma vie à présent mais… avec un petit ami comme Chul Hei, j’aurais besoin de recharger mes batteries de temps en temps seule avec lui, oubliant quelques instants le monde autour, pour ne plus penser qu’à nous deux, dans notre bulle.

« J’espère que le repas sera à ton gout, je n’ai pas cessé de me torturer à savoir si tu aimerais ou non, si ce n’est pas le cas, je t’en pris, ne te force pas… j’ai… prévu quelques petits-fours au cas où… »

- Hm ! protestai-je la bouche pleine en battant l’air de la main pour me donner le temps de finir ma bouchée. Au contraire, c’est délicieux ! Je me régale ! Je t’avouerai que je ne vais pas pouvoir me resservir mais je suis une grande gourmande et je compte tout goûter pour faire honneur au cuisinier. Je n’ai rien mangé d’aussi bon depuis… depuis des années ! D’où sors-tu de tels délices ?! […] Et je te pique un petit four pour goûter également.

Saisissant aussi vite qu’un serpent qui fond sur sa proie un gâteau, je croquais dedans et fondai sur place en lâchant un petit gémissement.

- Hm… C’est trop bon. Merci Chul Hei. A ton tour maintenant ! Fais « Aaaah »…

En attrapant un autre, je le tendis à Chul Hei pour qu’il ouvre la bouche et le mange. Le bout de mes doigts effleura ses lèvres, me troublant juste un peu. Ou du moins, juste assez pour recommencer à chauffer un peu en dedans. Stop ! On se détend et on change de chaine dans la boite crânienne.

« Et si nous profitions de notre petite sortie pour parler un peu de nous avant de souper ? J’aimerais en savoir plus sur toi… même si j’en sais déjà pas mal »

- Hm ! approuvai-je à nouveau la bouche pleine. Hé bien… Je ne sais pas trop par où commencer…

Pour toute réponse, Chul Hei se pencha lentement vers moi, ses lèvres tentatrices vers les miennes et m’embrassa doucement. Je sentis un agréable parfum de sauce persillée sur sa bouche, mais je n’eus pas le temps de le mêler à celui qui avait imprégné mes lèvres car ce sublime baiser fut bien chaste. Finalement, me souvenant d’une scène similaire au bal de charité, je repris, avec un large sourire :

- N‘importe qui peut s’acheter ma sympathie quelques minutes en m’offrant des sushis. J’ai les cheveux foncés à la base, mais j’aime beaucoup les tons plus clairs alors je me les colore en châtain ou blond. J’aime m’allonger dans un bain moussant avec un petit fond musical et y plonger mes oreilles pour entendre la musique comme si elle venait du fin fond d’un océan. J’ai un mal incroyable à me décider dans un magasin de glace pour choisir le parfum que je veux car j’aimerais tous les essayer. Je dors comme une buche la nuit et... Ah, ça je te l’avais déjà dit ! Hmm… Qu’est-ce que je peux te raconter d’autre ?... Je suis une grande imprévisible ! Tantôt je vais avoir une pêche d’enfer et aller faire dix fois le tour du pâté de maison en jogging, tantôt je suis très sage et j’ai besoin de calme pendant une petite après-midi pour recharger mes batteries. C’est pareil avec les vêtements que je porte. A la ville, j’alterne entre « à l’aise dans des vêtements tendances » et « tirée à quatre épingles comme une pro », tandis qu’ à la maison c’est « sweat shirt trop grand pour moi» pour me cacher ou « short & t-shirt » pour être libre de mes mouvements. Oh et j’ai aussi la vilaine habitude de me lâcher beaucoup trop après minuit. C’est certainement la raison pour laquelle… l’autre jour je… ahem.

Abandonnant mon enthousiasme de jeune diplômée, j’avais fait mourir le ton de ma voix pour la dernière phrase, rougissante. La scène de notre premier baiser était encore bien vivante dans mon esprit. Elle rebrancha presque immédiatement le côté « hormones » dans ma petite cervelle. Non non et non ! Pas encore les filles ! Je n’ai pas fini de discuter. Il y a d’ailleurs… une dernière chose que je dois lui dire… mais comment aborder le sujet ?!

Dans un silence très doux qui me donnait l’impression que le temps s’était suspendu, je regardais Chul Hei, attendant presque un signal de mon corps pour me dire « vas-y lance toi ! ». Car je n’y arrivais pas. C’était difficile. Très difficile. Moi, Sanada Miwa, l’éternelle loquace et franche jeune femme de l’appartement #243, flic d’élite qui a mit des dizaines de réseaux de trafics illicites hors jeu, je me retrouvais hésitante et morte de peur devant… un beau jeune homme qui pouvait faire s’arrêter mon cœur d’un seul mot. Cependant, il fallait que j’aborde ce dernier sujet.

Me mordant la lèvre, je baissais les yeux un instant, le temps de déglutir et de changer le ton de ma voix. J'espérais qu’il comprendrait que j’avais une chose importante à lui avouer et qu’il ne me couperait pas la parole quand je serai lancée.

- Chul Hei… Je sais que cela tombe comme un cheveu dans la soupe mais… il y a quelque chose dont je dois te parler avant que nous allions plus loin toi et moi. Je ne sai pas comment cela te fera réagir alors… je préfère t’en parler maintenant… commençai-je.

Passant la main dans mes cheveux nerveusement, je relevai le nez pour trouver son regard, mais sans le lire. Pas encore. Car je ne voulais lire ni l’angoisse ni la curiosité ni toute autre expression étrange dans ses yeux qui me ferait paniquer et me débiner au dernier moment.

- Bon. Je me lance… Ahem. continuai-je en m’éclaircissant la voix. Je ne vais pas très bien ces derniers temps. Rien de grave je te rassure mais… comment dire… j’ai un problème un peu singulier et, comme je n’ai pas de solutions actuellement, je ne veux pas te mentir à mon sujet… ni que tu t’engages avec moi si tu as peur.

Je m’interrompis, me rendant compte que, hors contexte, on aurait pu croire que j’étais atteinte d’un cancer et que j’allais mourir dans les 3 semaines.

- C’est un peu… dingue et inquiétant ce que je vais te dire alors… écoute moi jusqu’au bout et tu me donneras ton avis ensuite d’accord ?

Prenant une grande inspiration, je posai mon verre puis commençai :

- Voilà. Je… Depuis quelques temps je fais des espèces de rêves éveillés un peu étranges. Ils ressemblent un peu à des… visions ? Quelque chose comme ça. Et elles me semblent vraiment très réelles… alors que toutes les images que je vois, je ne me souviens pas les avoir vu par le passé. C’est très bizarre comme sensation et je ne saurai te la décrire. C’est comme… comme quand tu regardes un film, comme s’il passait devant tes yeux, mais que tu es toujours là, dans le monde réel et que tu continuais à entendre et sentir ce qui se passe autour. C’est comme si on projetait des images et des sons sur mes yeux alors que je ne suis pas au cinéma. Je me suis donc inquiétée et j’ai été me faire examiner. Mon médecin a prit peur quand je lui ai raconté tout ça et il m’a envoyée faire des examens à l’hôpital. Scanner, IRM, bilan sanguin… Je crois que j’ai du essayer, en une après-midi toutes les machines de cette fichue clinique ! Les résultats sont tombés le lendemain : je n’ai rien. Bilan sanguin de bébé, hormones au beau fixe, système nerveux zen, pas de tumeurs ou de quelconques pathologies. RIEN ! Rien du tout.

Je fis une pause, passant une main dans mes cheveux pour les rejeter en arrière, effleurant au passage la barrette de Chul Hei qui me donna du courage pour la suite.

- Moralité : je suis en pleine forme mais j’ai des visions étranges, continuai-je. Le médecin en a conclu que j’étais stressée ou surmenée et je suis donc sous vitamines, phytothérapie et musique zen depuis plusieurs jours. Mais je ne suis pas dupe, il y a quelque chose qui cloche. J’étais très paisible quand ces « rêves » ont commencé. Je venais de prendre Hana sous mon aile et tout se passait très bien. Mieux, nous commencions à nous fréquenter, toi et moi, et je n’avais jamais été aussi heureuse. Donc… Je ne sais pas ce qui se passe chez moi. Je suis peut-être névrosée tout en l’ignorant.

J’expirai un grand coup, comme s’il m’avait fallu prononcer tous ces mots en apnée pour qu’ils daignent sortir de ma gorge.

- Voilà ce que je voulais t’avouer Chul Hei, conclus-je. Je cherche toujours à trouver la source de ce « mal » bizarre mais… pour l’instant je suis dans l’impasse, même si je sais que mon corps va très bien et que je peux tout à fait continuer à m’occuper de Hana. D’ailleurs, en parlant de cela, j’ai trouvé un appartement à notre étage qui pourrait parfaitement convenir pour le projet commun que nous avons. Je l’ai réservé. Il ne nous reste plus qu’à le visiter, mais…

Je mis ma phrase en suspens le temps de lui prendre la main de la même manière que je l’avais fait dans la voiture à l’aller, en priant très fort pour qu’il ne parte pas en courant.

- Chul Hei. Si tu veux repousser ou abandonner ce projet car… tu ne me penses pas fiable… dis-le moi. Je comprendrai. Je t’assure. Je sais que c’est une grande responsabilité de s’occuper d’enfants et il faut être en pleine possession de ses moyens pour cela… or je ne te cache pas que je suis un peu inquiète de ne pas savoir ce qui m’arrive ni ce qu’il en sera demain. C’est angoissant… et je ne veux pas que cela vous nuise, à toi comme aux enfants.

S’il me rejetait, là, maintenant, j’allais avoir du mal à ravaler mes larmes. Je serai brisée. Mais l’honnêteté était ma vertu et j’étais incapable de lui mentir ou de lui cacher quelque chose. Chul Hei m'avait fait, pour sa part, la plus incroyable des confessions et je me devais d'être digne de sa confiance. De toute façon, je n'imaginais pas une seconde lui mentir. Il était trop précieux pour moi. Mon cœur était à lui, au point que, même si je n’étais pas la femme pour son bonheur, je comprendrai. Je souffrirai certes, mais j’accepterai qu’il vole vers d’autres cieux pour trouver ce qui lui convient. Je ne supporterai pas qu’il perde son doux sourire, ses yeux pétillants de vie et cette énergie si chaleureuse qui se dégageait de lui. Je me sacrifierai pour lui. Sans hésiter.

Ainsi, je baissai les yeux en me mordant la lèvre, rassemblant mes pensées, pus conclus d’une voix faible :

- Je suis désolée Chul Hei mais… je t’aime trop pour te cacher quelque chose qui puisse te faire du mal...

Chul Hei passa sa main sur ma joue avec tendresse, m'arrachant un soupir de soulagement. J'avais redouté sa réaction mais ce geste avait balayé tous mes doutes en une seconde. Ses doigts étaient froids, mais si chauds dans leur signification...

« Premièrement, il me semble que les médecins ont souvent fait des erreurs en cherchant à expliquer certains symptômes. Savais-tu par exemple, que le mot « hystérie » venait d’ « utérus » ? On croyait que le mal des femmes devenues folles où ayant quelques troubles névrotiques, étaient hystérique en raison de l’utérus qui pouvait se déplacer… » m'expliqua-t-il en souriant.

Je clignai des yeux, surprise. Non seulement j'ignorai cette histoire insensée, mais j'étais étonnée que Chul Hei se soit intéressé, de près ou de loin, à la science. Cela sonnait tellement faux pour un... Ange. Mais le dit Ange se vit encore plus rassurant et apposa ses mains sur mes jambes repliées en amazone. Ce qui, je l'avoue, me fit légèrement rougir.

« S’il n’y avait pas eu Freud pour expliquer le comportement humain, encore que je ne suis pas tout à fait d’accord avec ses théories… crois-tu que nous pourrions à l’heure actuel soigner des patients par la parole ? Et… encore aujourd’hui, il y a un point qui me chagrine. Tes médecins… acceptent-ils une raison inexplicables ? Ou préfère-t-il dire des bêtises pour se donner raison hm ? Parce qu’il me semble que rationnelle comme tu es, il t’a fallu la preuve que je n’étais pas de ce monde… alors… crois tu qu’il y ait autre chose ? » continua-t-il en me présentant le plat suivant, comme si de rien n'était. « Miwa… je ne pense pas que ce soit un mal… j’ai ma petite idée derrière la tête. Tu as peut-être des capacités spéciales et… fort utiles. Quand ces visions apparaissent, est-ce que tu as été en contact avec un objet ou une personne ? Il est tout à fait possible que tu possède une sorte de… don de voyance ? Est-ce que tu vois le passé ou l’avenir ? Hm… en tous les cas, je te conseille de ne pas trop t’en faire. Quand à nous… et aux enfants… je suis vexé. »

Je ne pus m'empêcher de sursauter à l'entente de ses paroles. Elles m'avaient apostrophées ! Mais... dans quel ordre ?! Le moment où il a décrit exactement ce qui se passait quand les visions arrivaient ou le moment où il m'a annoncé que je voyais l'avenir ou le moment où il me dit qu'il est déçu que j'ai douté de lui ?! Bizarrement, les histoires de dons me passèrent au dessus très vite et je m'inquiétai immédiatement d'avoir désappointé Chul Hei.

- Chul Hei...

« Tu m’as cru aussi stupide pour te laisser au moment ou tu en aurais eu le plus besoin hm ? Si vraiment tu avais eu quelque chose de grave, je ne t’aurais pas abandonné, ça n’est pas moi… » me dit-il d'une voix plus caverneuse et intimidante. Seigneur ! Je l'avais mis en colère ?!

- Pardon Chul Hei, je... commençai-je à balbutier.

Mais une fois de plus, sa main sur ma joue dissipa mes pensées. Mes yeux rencontrèrent alors les siens et je vis qu'il ne m'en voulait pas. Son regard était si doux... que je ne pouvais y voir une once de déception à mon égard. Son visage se rapprocha du mien, me faisant bondir le cœur, et lorsqu'il déposa un baiser sur mes lèvres... le temps s'arrêta. Littéralement. J'eus une vision, comme une courte série de photographies, de nous deux, enlacés sur l'herbe, échangeant des baisers ô combien délicieux et si peu chastes. Tout disparut lorsque Chul Hei s'éloigna de moi.

...

Alors c'était ça ? Quand je touchais quelqu'un, je...

« Tu connais Miho ? Et bien elle possède un don elle aussi, un don assez particulier car elle peut comprendre ce que « disent » les animaux et ressentir le danger chez une personne lorsque cela la concerne ou concerne son entourage. Bien entendu, si tu venais à en parler, tu passerais pour folle, comme avec ces médecins… donc, elle ne le dit pas à tout le monde mais puisque vous êtes proches j’ai cru bon de te le révéler. Tu n’es donc pas la seule, alors détend toi cette fois ci, et pour de bon hm ? » continua Chul Hei, avant de me chatouiller un peu, me tirant de mes réflexions.

- Ha ha ! C'est déloyal comme attaque ! ris-je en gigotant pour éloigner ses mains.

Je découvrais jour après jour de nouvelles facettes du côté charmant de Chul Hei. Galant, romantique, et maintenant drôle et taquin. Dieu que cet homme... pardon, Ange, me plaisait !

- Merci Chul Hei. Tu es vraiment... gentil tu sais, lui dis-je d'une petite voix embarrassée. Je suis rassurée.

Je ne lui avais encore jamais dit à quel point je le trouvais adorable. [...] En fait c'est peut-être le seul mot que je lui ai jamais adressé : "adorable". Mais Chul Hei était un tout complexe d'une liste d'adjectifs longue comme la muraille de Chine : beau, gentil, poli, sincère, sexy, amusant, espiègle... Et je réalisais à présent que je ne lui avais jamais dit toutes ces choses... Mais j'avais à peine le temps de ressasser tous ces compliments dans mon esprit que Chul Hei me présentait de la viande en sauce avec ses baguettes. Je souris et fis un "Aaaah" mélodieux pour déguster le plat qui était, une fois encore, délicieux.

« Sinon… je suis excité à l’idée de seulement changer d’appartement ! Plutôt que de changer d’immeuble, voir de quartier… ça ne nous chamboulera pas vraiment, ni nous ni les enfants ! »

Le morceau de viande faillit passer dans ma trachée lorsqu'il parla de l'appartement. Pas que le sujet me contrariait mais il me rappelait à quel point j'étais dans une situation délicate. Dans la lignée des topics difficiles à aborder, tant que j'y étais, je pouvais profiter de l'occasion pour me lancer sur celui-là aussi.

- Koff koff ! toussai-je un peu pour faire passer la viande. Hmm... Ce met est sublime mais, Chul Hei, à propos de l'appartement, justement, nous devons nous mettre d'accord.

Je fis une pause et bus une gorgée de vin à double emploi : primo, m'aider à faire passer ma bouchée ; secundo, m'étourdir assez pour aborder plus en détails le sujet qui arrivait en grandes pompes.

- Concernant le coucher, entamai-je finalement. Il faut que nous fassions chambre à part mais nous n'avons qu'une chambre pour deux alors, je te propose que l'on se débrouille pour alterner chacun son tour sur le canapé. Ou jouer la chambre à un petit jeu - mais pas de réflexe sinon tu vas tricher - chaque soir. Tu es d'accord ?

Embarrassée, moins par le sujet que ce qu'il sous-entendait me concernant, je pris une nouvelle bouchée de viande avant de continuer, la bouche à moitié pleine :

- Parce que, nous en avons déjà discuté, pour toi... tout ça... euh... ça a l'air simple à gérer hein ? Mais pas pour moi, ok ? Je... euh... Je suis une jeune femme normalement constituée... et je n'ai pas eu de petit ami depuis longt... bref ! tentai-je d'expliquer en balbutiant, rougissant à mes propres propos.

Gênée comme je l'étais, je devenais nerveuse. Mes baguettes m'échappèrent et tombèrent sur la nappe. J'eus tôt fait de tendre la main pour les ramasser mais Chul Hei fit de même et je touchais sa main. La même vision de notre couple amoureux me revint. Aussitôt, j'ôtai ma main, renonçant à récupérer mes couverts.

- Chul Hei... Dis-moi... à quoi tu pensais là tout de suite ? lui demandai-je, le rose aux joues.

Soit je me faisais des idées, soit mon Ange n'était pas aussi insensible à mes charmes qu'il voulait bien l'admettre. En cela, je serais bien rassurée de ne pas être la seule à brider mes hormones...

Spoiler:

« Je ne pense pas que ce soit facile, simplement j’ai hâte, car... ce sont les petits détails, aussi embêtants soient-ils qui fond que nous vivons... si la vie était toujours belle et que le soleil brillait constamment, ce ne serait pas une vie, mais un enfer. Ce que tu dis facile pour moi est en réalité mon idéal de vie, je veux surmonter les épreuves, vivre comme tout le monde... et sur ce point je suis au même niveau que toi, ne te méprends pas »

J'avais fait une moue dubitative au moment où il avait parlé. Normal ! Comment voulez-vous que j'accepte de but en blanc qu'il avait besoin de faire des efforts pour se contrôler, après des années d'abstinence en tant qu'Ange ?! D'accord, j'admets, il ne faut jamais se fier à la couverture d'un livre mais dans ce cas précis, Chul Hei avait toujours fait preuve de tant de self control que je n'arrivais à relativiser et à l'imaginer aussi Humain que moi sur ce point. Cela m'était impossible. Mieux valait changer de sujet...

Mais ce contact et cette vision me firent douter quasi-instantanément de tout ce que je venais de me déblatérer mentalement. Tant pis si je paraissais étrange, j'avais besoin de savoir. Savoir deux choses : si Chul Hei avait dit vrai au sujet de ces "dons" et s'il était vraiment aussi embarrassé que moi par cette distance que nous allions devoir nous imposer.

« Eh bien... toi et moi... dans l’herbe... à nous embrasser, rien de plus ? Pourquoi ? »

Je restais bête et rougissante face à un Chul Hei encore plus franc que franc avec un grand "F".

- Tu... Tu es sérieux ?!

Question inutile. Chul Hei est toujours sérieux ! Je ne vois même pas pourquoi j'en doute encore.

- Oublie cette question. Bien sûr que tu es sérieux !

'Mais alors... c'était vrai ?! Vrai de vrai ?! Je pouvais... lire ses pensées ?! Sérieusement ?!! Oh mon Dieu... Seigneur... Vraiment ?!! J'ai vraiment... ???!!! Bon sang j'ai vraiment un don ??!!!'

Passé la révélation, mon cerveau se mit à bouillir, bousculé par des faits tout neufs, des informations inédites, que dis-je, des preuves irréfutables, qui venaient de faire disparaitre des jours d'angoisses. Des journées passées à imaginer le pire, à me faire du souci pour ma princesse, à regretter de ne pouvoir profiter plus de ma belle relation avec Chul Hei s'il m'arrivait malheur... Tout cela... disparut en une fraction de seconde. A la place, mes neurones cherchèrent à remettre en place les nouvelles données concernant les dons et s'évertuèrent à les incorporer doucement. Mais pas de blocage cette fois-ci. Pourquoi ? Tout simplement parce que mon cher et tendre était un Ange et qu'une histoire de don me paraissait évidemment tout à fait plausible en comparaison.

Chul Hei but une gorgée de vin, toujours aussi calme que la mer le matin et continua :

« Tu vois... ça ne sera pas seulement difficile pour toi de gérer ce don, mais aussi pour moi... »

- Tu veux dire que... tu ne peux m'empêcher de lire ce que tu penses ? [...] Oh. Donc, ce "truc" marche sur les Anges ?! [...] Wow. réalisai-je en portant la main à ma poitrine. Puis, comprenant ses paroles, je le fixai en clignant des yeux, ahurie : Ah mais ! Moi non plus je ne peux pas l'empêcher alors ?! Zut ! C'est pratique mais pas pratique ce truc !! Quoique...

Un sourire espiègle se dessina sur mon visage alors que je me penchais vers Chul Hei d'un air un peu prédateur.

- Cela veut dire que je pourrais tout savoir de toi quand je le voudrais... lui murmurai-je au plus près sans cesser de m'approcher. ... et où je le voudrais.

Je savais pertinemment que je faisais erreur en l'approchant d'aussi près, mais j'en avais tellement envie que le petit Diable sur mon épaule eut raison de moi. L'idée que je puisse lire ce qui se cachait derrière ce visage de marbre blanc me séduisait autant qu'elle me dérangeait. Savoir s'il était aussi ému que moi, aussi embarrassé que moi, aussi amoureux que moi... Parfois je n'avais pas envie de le savoir, car je le sentais. D'autres fois, je doutais et j'aurais donné ciel et terre pour lire un indice de ses émotions dans ses yeux.

Les baisers que je lui donnais à cet instant, baigné dans le silence et bercé par la brise, n'étaient pas chastes du tout. Après ce que j'avais vu, je n'avais plus aucune raison de craindre d'être trop cavalière ou quoi que ce soit. Chul Hei avait envie autant que moi de cet échange. Des baisers interdits tant ils regorgeaient de langueur, mais que j'avais concédés à mon instinct de femme amoureuse. Ma main glissa dans son cou, effleurant quelques mèches de cheveux volages, et à cet instant je me dis que je devrais faire machine arrière, appréciant déjà trop ce contact doux et sensuel qui me donnait incroyablement chaud.

Je crois que les choses auraient même très très très mal tournées pour nous deux si une vision indésirée n'avait pointée le bout de son nez : je vis à nouveau ce qu'il pensait. Surprise, je coupai court au baiser et rougis, portant la main à mes lèvres.

- Je... euh... ça a recommencé...

Chul Hei... Tes pensées...

Non. Sérieusement. Comment voulez-vous que je résiste à cet... Ange qui se tient juste en face de moi ? Il est gentil, il est serviable, il est beau, il embrasse bien... L'homme parfait est juste en face de moi et je dois me retenir de l'enlacer ?! [...] Je comprends mieux la tirade "Ô monde cruel" à présent... Parce qu’il est vraiment cruel ce monde !!!!!

Chul Hei était aussi embarrassé que moi, en train de rougir derrière le revers de ma main.

« Ce n’est pas de ma faute... je ne suis que l’agneau que tu as délibérément égaré du chemin que je voulais prendre... cela dit, je t’ai suivi sans condition. Je suppose que nous devrions arrêter nos étreintes, bien que l’envie soit présente, il y a d’yeux partout. Contentons-nous de savourer la fin du repas et de notre soirée... hm ? »

- O... Oui. Tu as raison. Il vaut... mieux. répondis-je, rouge de honte et de plaisir qu'il me fasse autant de compliments dissimulés. Et puis... ça va refroidir !

Chul Hei me surprit en me donnant un dernier baiser sur le front avant de recommencer à piquer dans les mets délicieux. Heureusement que son attention fut détournée par la nourriture... Il ne vit pas le regard ému et les pommettes rougies qui le regardait avec une expression mitigée entre la reconnaissance et la tendresse. Le temps sembla se figer un instant alors que je le contemplais, avec des yeux nouveaux. Je l'avais vu Humain, je l'avais vu Ange, et à présent, je ne le voyais plus ni comme l'un ni comme l'autre, mais comme une Personne. Une personne unique et si spéciale à mon cœur...

Lorsqu'il me sourit, je me secouai pour continuer à manger tranquillement. Une pincée d'un dessert dans ma bouche plus tard, je me figeais.

- Hm ! Ca aussi c'est très bon ! ♥

Soudainement requinquée par le sucre, je me concentrai alors sur les différents petits desserts et me régalai en piquant des morceaux de-ci de-là. Mon goût pour la pâtisserie était en train de se dévoiler complètement à Chul Hei mais qu’importe. C’était vraiment très bon ces petites choses ! Je finis sur une petite brioche fourrée à la fraise et me pourléchai les doigts avec gourmandise.

- Hmm… Vraiment délicieux. Je me suis régalée.

Je finis de me lécher les doigts et me les essuyai avec ma serviette avant de poser une main sur la nappe pour m’appuyer et regarder tranquillement les étoiles. Bien que nous soyons dans l'une des villes les plus polluées du monde, les étoiles les plus brillantes étaient visibles, parsemant le ciel comme des des pépites d'or dans un minerai. Il n'y avait pas plus beau. Ou peut-être si, à la campagne, dans une source d'eau chaude, avec un bel homme à mes côtés... STOP MIWA ! Les étoiles ! Regarde les étoiles ! >////<

- Quelle belle nuit… soupirai-je, plus pour oublier que je m'étais encore fait déconcentrer. Je n’avais jamais eu l’idée de venir dans les jardins en pleine nuit. C'est pourtant magnifique...

A peine avais-je prononcé ces mots qu’une idée géniale me vint. Seulement géniale ? Oh oh ! Non évidemment ! Terrifiante et géniale ! Je virevoltai alors pour regarder Chul Hei, un sourire espiègle illuminant mon minois de gamine en devenir.

- Chul Hei… J’ai une idée. Viens !

Ni une ni deux, je pris la main de Chul Hei et nous fis lever pour aussitôt dévaler notre colline en trottinant. Chul Hei pouvait bien me poser toutes les questions qu’il voulait, entrainé dans mon élan, je l’emmenais avec moi en direction des bois qui bordaient les jardins. L’endroit parfait pour se faire peur et faire l’enfant.

Lorsque nous atteignîmes l’orée du bois, je m’arrêtai pour faire face à Chul Hei, rayonnante et les cheveux un peu décoiffés par ma course. Lui prenant l’autre main, je me mis à marcher à reculons, nous enfonçant doucement dans les bois sombres.

- Tu viens jouer avec moi Chul Hei ? lui dis-je avec mon petit sourire chipie qui voulait tout dire. Il fait si noir là dedans que ça pourrait être intéressant de jeter un œil tu ne penses pas ?

Quelques pas seulement suffirent à nous faire passer de la plaine éclairée par la lumière de la pleine Lune aux bois plongés dans la pénombre et baignés par de rares raies de lumière. Il y régnait un silence inquiétant, rythmé par les cri-cri des grillons et la danse de petites lucioles par-ci par-là.

Lorsque nous fûmes quelques mètres dans les bois, je m’arrêtai soudain et fis un pas en avant pour me rapprocher intimement de Chul Hei et lui murmurer tout doucement contre ses lèvres :

- Attrape-moi si tu peux mon Ange.

A ces mots, je m’enfuis en courant vers le fin fond des bois, un rire cristallin trahissant que je m’amusais déjà comme une folle. Qui a dit que les adultes ne pouvaient pas jouer ?

Je partis à tout allure, bien franchement, pour le semer dans les bois. Je le savais Ange mais je ne savais pas encore ce dont il était capable. A part pouvoir me déménager mon appartement en utilisant une seule main. [...] Ce qui allait être extrêmement pratique pour notre déménagement prochain d'ailleurs... Enfin bref, je me mis à courir, mes yeux s'habituant peu à peu à l'obscurité et me permettant de repérer des fourrés où me cacher. Je ne tardais pas à en trouver un bien assez épais pour dissimuler ma silhouette et plongeai derrière pour m'y cacher, cessant d'un coup les bruissements de feuilles qui auraient permis à Chul Hei de me repérer.

Silence. Puis des bruissements se firent entendre au loin. Chul Hei avançait doucement dans la forêt, à ma recherche.

« Ah... vraiment, le monde est cruel... je ne sais plus quoi faire ? Une fois que je l’aurais trouvé, qu’est-ce qu’il est censé arriver ? » entendis-je perceptiblement.

Amusée qu'il se prenne au jeu, je retins un rire en plaquant mes mains sur ma bouche. Hi hi ! Il ne me trouvera pas, j'en suis sûre. Il ne trichera pas avec ses pouvoirs, quels qu'ils soient car il est trop honnête. Mon Ange est un bon paladin, honnête et loyal. J'avais donc une chance de gagner ? J'attendis donc, terré dans ma cachette que Chul Hei ne me trouve... mais au bout de quelques instants, la victoire ne me parut plus aussi intéressante qu'une bonne partie de chasse.

Réveillant mes instincts de policière qui se veut furtive la nuit, je sortis de ma planque lorsque l'occasion se présenta et me déplaçait à pas de loup pour contourner Chul Hei que je pouvais repérer avec les feuilles qu'il remuait. Usant des arbres, des fourrés et d'autres décors du jardin, je réussis à me faufiler très près de Chul Hei sans qu'il me remarque, jusqu'à ce que... des bruits de courses se firent entendre. Mince ! J'étais repérée ! Je filais donc comme le vent en direction de l'orée de la forêt, par là où nous étions entrés. Là, je trouvais une nouvelle cachette en la personne d'un gros arbre mort et m'y cachais, peinant pour calmer ma respiration et ne pas me faire attraper à cause d'elle.

« Miwa ? »

'Hi hi ! Il me cherche !'

Pire qu'une gosse de 12 ans. Ce petit jeu me plaisait bien. Surtout parce que c'était le garçon qui me plaisait tant qui me courait après ! Quelle femme n'a jamais rêvé d'être courtisée hm ? OK, j'avoue, il s'agit plus là d'une course effrénée qu'un joli moment de poésie, mais cela n'en demeurait pas moins un jeu de séduction. Une façon de nous tourner autour, de nous désirer, de nous taquiner... Tout ça sans avoir à risquer de déraper.

Les bruissements s'atténuèrent. Chul Hei devait prendre le temps de me chercher... ou essayer de me piéger pour me faire sortir. Hi hi ! J'avais soudain l'impression d'être le petit chaperon rouge et lui le grand méchant loup. [...] Même si, avec du recul, ça aurait plutôt du être l'inverse. Cette pensée me fit rire.

''Oh non !!!!'

Je plaquais ma main sur ma bouche trop tard. Deux bras fermes et très chauds m'enlacèrent la taille et je sentis bien vite le souffle de Chul Hei dans mon cou. Je l'avais reconnu immédiatement à son odeur et ne m'étais même pas débattu pour lui échapper. Son étreinte était trop douce, j'y avais succombé immédiatement. Puis je l'entendis rire doucement, à son tour, me soutirant un sourire malgré moi, qui l'imaginais souriant, rayonnant, le visage contre mon oreille.

« Ah... nous devrions jouer plus souvent... j’espère gagner toujours de cette façon, mais à force, je pense que tu t’y habituerais alors, je devrais être original. »

Un léger rire m'échappa alors que je nous imaginais jouer à chat dans l'appartement pour décider de qui dormirait dans le canapé ou pas. Puis cette pensée me rendit soudain morose. Posant mes mains sur celles de Chul Hei, autour de ma taille, je devins pensive. Je n'aurais pas l'occasion de ressentir la chaleur de mon amoureux si nous étions séparés la nuit. Le plaisir de dormir l'un à côté de l'autre, partageant une partie de notre intimité, être réchauffé par l'autre et somnoler dans ses bras... Tout ceci était magique, et inaccessible pour nous. Cela m'attrista. Me glisser sous ma couette pour me réchauffer était l'un des moments les plus précieux de ma journée. Comment me sentirai-je de ne pas partager cela avec lui ? De ne pas avoir la sensation d'être protégée dans mon sommeil ? [...] Peut-être que lui aussi en serait déçu ?

Je ne me rendis pas compte sur le moment que le contact de ma peau avec Chul Hei ne m'avait pas provoqué de visions. Malheureusement, ai-je envie de dire, car j'aurais su ce qu'il en aurait pensé... peut-être ?

- Chul Hei, commençai-je finalement. Je sais que ce que je vais te dire va te sembler complètement insensé après ce qui s'est passé tout à l'heure mais... lorsque nous aurons emménagé ensemble... j'aimerais dormir auprès de toi chaque nuit que la vie m'offre. Je... Je sais que ce n'est pas raisonnable mais je... je ferai des efforts ! Je serai très gentille et calme et je ne te toucherai pas pour ne pas te mettre mal à l'aise. Enfin... pour ne pas... Je veux dire par là que je ne ferai rien qui puisse te compromettre.

Glissant sous ses mains, je me tournais pour lui faire face, posant mes mains sur sa poitrine. J'avais dans les yeux une lueur de supplication mêlée à une bonne louche de culpabilité. Je savais que ce que je lui demandais n'était pas bien du tout ! Mais en tant que femme amoureuse, comment pouvais-je renier ma plus simple envie d'être à ses côtés ?

- Et si jamais tu ne le supportes pas car c'est trop dur, on pourra toujours revenir à notre idée initiale n'est-ce pas ? Je veux dire... on peut toujours essayer hein ? Et puis... je t'avoue... que je pense que cela ferait plaisir aux enfants et qu'ils auraient vraiment l'impression d'avoir de vrais parents qui s'aiment...

Je me mordis la lèvre, regrettant aussitôt mes paroles. Les enfants résonnaient comme un argument lourd, or, je ne voulais pas forcer Chul Hei à prendre une décision pour leur bien. Je voulais qu'il décide de lui-même s'il en avais envie ou pas.

Je crois que je m'attendais à moitié à ce qu'il ne soit pas d'accord et... à moitié à ce qu'il ne soit pas d'accord. Non sérieusement, je n'y pensais pas du tout ! Ainsi, je m'étais préparée à lire de l'embarras sur son visage... mais non. Chul Hei me prit doucement le visage entre ses mains pour me cajoler avec tendresse, liquéfiant le peu d'appréhension que j'avais stockée. Aaaaah Chul Hei... Le seul fait que tu repousses une mèche de mes cheveux et je fonds comme neige au soleil. Continue s'il te plait...

« Miwa... » commença-t-il avant de m'embrasser sur le front de cette façon délicate qui lui était si chère, « Nous devons être vigilant en extérieur et... lorsque je te le dirais uniquement, il faudra que nous ayons un code, j’ai déjà une petite idée... mais en aucun cas je ne veux être distant avec toi et les enfants et cela implique que, lorsque tu t’en sentiras prête nous puissions dormir ensemble sans que l’idée que ce soit interdit te tracasse. De toute façon... »

Ses bras m'enlacèrent, finissant de détendre mon pauvre corps stressé par mes mots. La chaleur et la voix douce de Chul Hei m'avaient tellement envoutée que j'oubliai presque de relever qu'il ne me pensait pas "prête" pour me confronter à mes désirs nocturnes.

« Qui a dit que dormir avec une humaine était un pêché ? »

'Huh ?!'

Je clignais des yeux en le fixant, prise au dépourvue. Chul Hei me dédia un regard que je compris. Un mélange de bienveillance envers moi qui devait avoir l'air si gênée quelques secondes auparavant, et de malice envers ces lois angéliques idiotes qui pouvaient être si facilement détournées. Je le regardais en silence, contemplant cette expression si mitigée entre Ange et Démon que je commençais à apprécier, avant de lui sourire doucement et porter ma main à ses cheveux pour jouer avec les mèches bordant son visage. Qu'il était doux mon Ange... C'était dans ce genre d'instant que je me rendais compte du bonheur de l'avoir pour moi. Quelle chance j'avais... Car qui sait par quel heureux hasard je l'avais rencontré. Car s'il n'avait pas vécu près de chez moi, si nous n'avions pas été attirés l'un l'autre... Je serais passée à côté de l'Ange de ma vie.

« Hm... je me demande ce qui a bien pu te passer par la tête pour que tu penses que dormir ensemble serait mal... »

Un petit rire m'échappa devant cet élan de naïveté, mais je le cachais en baissant la tête un instant, avant de lui répondre avec mon sourire espiègle retrouvé :

- Kim Chul Hei, vous êtes trop innocent. Je vous conterai tout cela en détails lorsque vous serez plus grand. ♥

Je pris le temps de contempler son visage un moment, au cas où il rougirait de ma plaisanterie ; mes mains continuant de caresser le pourtour de son visage. Mon coeur battait si vite, avec un rythme régulier et presque dansant. Comme si mon coeur chantait en cet instant, tout content d'être enfin utilisé à bon escient et de pouvoir enfin se lâcher sans avoir à craindre quoique ce soit. J'étais en confiance avec Chul Hei. En confiance, amoureuse, protégée, réchauffée...

Sous l'impulsion de ces pensées douces, je me blottis dans ses bras, la tête contre son épaule. Il était si chaud et sentais si bon que je fermais les yeux pour profiter de la balancelle de son corps.

- Je t'aime.

Les mots étaient sortis tout seuls. Je les pensais vraiment, sincèrement. Je ne me souvenais même pas avoir prononcé ces mots aussi naturellement qu'en ce soir. Chul Hei était vraiment important pour moi. Plus encore que je ne pouvais l'imaginer. La pensée de le perdre me fit me blottir encore plus contre lui. Mais déjà je ne sentais plus la brise fraiche et j'avais l'impression que la chaleur de Chul Hei m'enveloppait comme un châle. Quelle douce sensation... Je voulais la vivre tous les soirs de ma vie avec lui.

Relevant la tête juste ce qu'il fallait pour atteindre son cou, j'y déposais un léger baiser avant de me réinstaller et d'ajouter dans un soupir d'aise :

- Saranghee.

Un "je t'aime" voulait dire si peu dans ma langue. Il avait plus de sens dans la sienne. Je serai capable d'apprendre "Je t'aime" dans toutes les langues du monde jusqu'à trouver celui dont la seule prononciation me ferait bondir le coeur comme dans les bras de mon bien-aimé.

Ainsi installée dans ses bras,j'aurais voulu que cette soirée dure toujours. Le silence pour musique, la nature pour décor et les étoiles pour témoin. J'étais si heureuse et amoureuse que même la Lune m'aurait parue bien inutile comme bague de fiançaille. Je n'avais besoin de rien ce soir. Rien d'autre que lui.

« 난 내 마음 당신을 사랑한다 (Nan nae ma-eum dang-sin-eul salanghanda), je t’aime de tout mon coeur. »

Ce n’était qu’un murmure mais il me fit frissonner.

Chul Hei m’embrassa tendrement sans me lâcher. Comme c’était doux et apaisant d’être dans ses bras. Les bras d’un ange ? Ou les bras du premier homme dont je me sens autant éprise ? Ou les deux ? […] Je confirme. Les deux. J’étais vraiment, carrément, gravement, terriblement amoureuse de lui. Y avait-il eu une seule fois dans ma vie où j’avais senti mon cœur battre à ce rythme pour quelqu’un ? Mes pommettes rougir aussi subitement au moindre mot doux ? La rêverie et le calme s’emparer de moi en un baiser ? Nan. Définitivement non. Je n’en avais pas le souvenir.

« Il faudrait peut-être que l’on rentre Miwa, au risque de s’éterniser et de risquer le pire... ou le meilleur, mais ça ne doit pas se passer ici » ajouta-t-il doucement avec un petit sourire.

- Hmm… Pas envie. Je suis trop bien contre toi. protestai-je en l’enlaçant de plus belle pour le serrer contre moi.

Ma tête ainsi posée contre sa poitrine, j’entendis les battements de son cœur. Oh ! Si agréables… et si rapides ! Hi hi ! Cachotier de Chul Hei. Tu pesais très bien tes dernières paroles n’est-ce pas ? Relevant le nez, je croisai son regard et j’eus la preuve que je n’étais pas la preuve à m’enflammer. Lui aussi avait cette lueur dans les yeux en me regardant. La même qui éclairait mon regard dans je le contemplais. Nous étions à égalité à présent. Coincés dans une relation étrange, platonique mais pourtant passionnelle. Les paroles de Chul Hei lors de notre premier rendez-vous à l’Opéra me revinrent alors. Il m’avait supplié qu’en tant que femme, je calme le jeu lorsque cela serait nécessaire. Alors soit ! Je serai gentille. Il ne fallait pas que je mette mon ange mal à l’aise, et surtout, j’aimais trop cet homme pour gâcher cette belle histoire d’amour entre nous.

Je fis un gros effort pour le relâcher doucement et lui fis un grand sourire en prenant sa main.

- Allez. Les moments les plus courts sont les plus précieux. Rentrons maintenant. Nos petits anges doivent avoir envie de nous voir avant de dormir. annonçai-je avant de reprendre avec un petit rire : Hana est capable de se réveiller juste quand je passe le pas de la porte pour rentrer, tellement elle est tendue de me savoir dehors.

L’entrainant par la main, je nous fis sortir des bois et retourner à notre pic-nic. Là, c’est en discutant, le sourire aux lèvres, que nous rangeâmes le dîner et le pic-nic. Chul Hei se fit bien évidemment un devoir de faire le plus de choses possible car c’est un gentleman, mais c’était sans compter sur ma tête brûlée et mes talents de ninja pour ranger des affaires sans qu’il ne s’en aperçoive. Quoiqu’avec ses dons d’ange, j’imaginais que sa perception devait être supérieure à la mienne et qu’il ait sans doute remarqué mon manière mais m’ait finalement laissé faire, sachant que cela me tenait à cœur de l’aider un minimum.

Le taxi nous reconduisit chez nous. Le chemin fut paisible. Ma tête sur l’épaule de Chul Hei, je m’étais permis de fermer les yeux, pour profiter de cet instant de paix en sa compagnie. Cet instant si privilégié. Car bientôt, je repasserai la porte de mon appartement, bientôt je me pencherai sur le lit de ma petite princesse et bientôt je redeviendrai la maman improvisée et flic chasseuse de fantôme. Mais pour l’instant, pour cet instant, j’étais encore, et pour quelques secondes, simplement, une jeune femme amoureuse.