On a beau être assez libre de ses mouvements et revendiquer son libre-arbitre et son petit coté rebelle, parfois, il fallait bien bosser. J'avais beau ne pas aimer les anges et surtout pas Dieu, j'aimais encore assez mon petit confort pour ne pas vouloir dégringoler en enfer. Et c'était ce qui m'attendait si je refusais d'obéir au patron. En fait, quand Dieu vous donnait un ordre, il fallait bien y obéir, rebelle ou pas. Surtout qu'Il donnait ses ordres en personne, vous voyez le genre. Et non, je ne vous dirai pas où, quand, comment et à quoi il ressemble. Bref, pour ne pas changer, Il voulait que j'aille voir son humaine du moment. Je dis pas qu'il a ses préférés, mais il y a certains humains qui attirent plus son attention que d'autres, surtout en ces temps d'Apocalypse. Et Yamane Aria faisait partie du lot.

A la base, c'était simple : elle avait un don, dont le patron semblait persuadé qu'elle aurait pu se servir pour faire le bien, au lieu de quoi elle traquait les anges et les démons pour se venger de la mort de ses parents. N'importe qui aurait réagi pareil... mais Dieu voulait encore croire qu'elle pouvait vivre une vie normale au lieu de risquer son existence tous les jours. Avec la vie qu'elle menait, elle allait mourir jeune, c'était sûr, et Dieu ne voulait pas ça. Pas comme si l'Apocalypse arrivait pas dans deux ans... Mais il voulait que son âme aille dans les Cieux, afin d'en faire un ange... et si elle mourait brutalement, vaporisée par un démon ou un ange, ou si elle finissait par en dégommer un, le paradis se fermerait pour elle.

Maintenant, voilà le truc : elle refusait de m'écouter ! Je suis un Héraut, un messager, et tant que mon message n'a pas été entendu comme il fallait, alors il fallait que je continue à le transmettre. Mais j'avais rarement vu d'humains plus obstinés et têtus qu'Aria.

Et donc en ce début de soirée, je me téléportai sur Terre pour délivrer le message humain pour la 1500e fois au moins. J'apparus au-dessus de son immeuble, et la repérai aussitôt. Ah, nous les Héraut avions peu de pouvoirs, mais ils étaient efficaces. Je pouvais rejoindre n'importe qui si la personne était concernée par un de mes messages.

Je me posai sur le toit en ne me faisant aucune illusion. Elle n'avait pas besoin de me voir pour savoir que j'étais là. Fichus humains et leurs dons bizarres... Je l'entendis jurer et ça me réchauffa le cœur. Au moins je ne serai pas le seul à perdre mon temps.

« Tiens Suzu, ça faisait longtemps dit donc. »

Je lui adressai un petite révérence moqueuse mais restai à distance. Je ne faisais pas partie des anges agressifs, moi, je me contentai de jouer les facteurs. Mais elle avait toujours un flingue planqué quelque part, et pour peu qu'elle soit de mauvaise humeur...

« Salut à toi aussi ô protégée de Dieu. Tu sais pourquoi je suis là, hein ? »

Je fourrai les mains dans la poche de mon jean serré et esquissai un sourire mauvais. Qu'elle sache au moins que moi aussi, bordel, ça me faisait ch*er d'être là.

« Moi-même j'aurai abandonné depuis longtemps, avec toi, mais Dieu semble croire que ton cas est encore rattrapable. Tu permets que je te délivre mon message ? Encore... »

Sous-entendu, fais-en ce que tu veux, moi je m'en fiche ! Mais puisqu'Il m'en avait donné l'ordre, elle n'allait pas y couper, il fallait que je la sermonne. De toute façon depuis le temps, on commençait à avoir nos habitudes, tous les deux. Je parlais, elle m'envoyait bouler, je me moquais d'elle et on recommençait. Merveilleux job que le mien.

« Salut à toi aussi ô protégée de Dieu. Tu sais pourquoi je suis là, hein ? »

Ben voyons, la protection du grand barbue je n’en avais absolument pas besoin. Je farfouillais dans mes poches afin de sortir une cigarette et un briquet. L’envie de fumer m’avait pris depuis quelques jours, ça me permettait de me calmer, mais contrairement à certains, je n’en fumais pas 40 par jour, juste une ou deux lorsque j’avais les nerfs vraiment a bloc.

« Moi-même j'aurai abandonné depuis longtemps, avec toi, mais Dieu semble croire que ton cas est encore rattrapable. Tu permets que je te délivre mon message ? Encore... »

Je me levais du canapé et tira une latte de ma cigarette avant de me rapprocher de Suzu, dune démarche plutôt féline et gracieuse, comme à mon habitude. Je lui fis alors un grand sourire. Le pauvre, il devait en avoir marre de venir me voir sans cesse pour me rabâcher le même message. Que je devais stopper ma revanche pour sauver mon âme et blablabla, mais Suzu commençait à me connaitre, il savait que je ne lâcherais pas l’affaire de si tôt. Ma cigarette arrivait à sa fin, et je l’écrasa contre le mur qui se trouvait à porter de main, avant de tirer une chaise et de m’assoir en face de Suzu

- Tu as à peu près 10 minutes de mon temps, alors va y parle, crache ton venin, enfin ta bonne parole..

Je pouvais faire quoi donc ? Le repousser ? L’insulter ? Ca ne servait à rien. Je commençais à connaitre ces paroles par cœur. Je pouvais faire preuve de sympathie et le laisser parler sans l’interrompre. Enfin c’était le minimum que je pouvais faire, vu que je n’obéirais jamais à ces ordres. Je n’ai jamais été du genre à écouter et à me laisser dicter ma conduite et ça n’allait sûrement pas commencer maintenant.

- Il ne te reste plus que 9 minutes 19. Enfin je ne crois pas que tu auras beaucoup de chose à dire. Ahhh si, je suppose que dans ton discours tu rajouteras que la cigarette ce n’est pas bon. Et que le sexe avant le mariage aussi est mauvais ? Arf je suis une pécheresse…Haaan je finirais en enfer ? Ca ferait mal à ton dieu je suppose.

« Tu as à peu près 10 minutes de mon temps, alors va y parle, crache ton venin, enfin ta bonne parole... »

Wouah, elle était de bonne humeur aujourd'hui. J'avais souvenir d'autres jours où elle m'avait accueillie moins gentiment. Oui, là c'était vraiment la fête. Je commençai à faire les cents pas devant elle qui s'était tranquillement assise, lentement, allant et venant sans la quitter des yeux, sans me départir de mon sourire de façade. Au moins son ennuyeux ange gardien n'était pas dans le coin. Parce que dans le genre rabat-joie, on faisait pas mieux. De base, je méprisais les anges gardiens - quelle idée de vouer sa vie à la protection de ces crétins d'humains - alors celui-là... Je plaignais presque Aria de devoir se coller un protecteur pareil.

« Il ne te reste plus que 9 minutes 19. Enfin je ne crois pas que tu auras beaucoup de choses à dire. Ahhh si, je suppose que dans ton discours tu rajouteras que la cigarette ce n’est pas bon. Et que le sexe avant le mariage aussi est mauvais ? Arf je suis une pécheresse…Haaan je finirai en enfer ? Ça ferait mal à ton dieu je suppose. »

Je me figeai et penchai la tête sur le coté, amusé. Un humain, deux humains, mille humains, sept milliards d'humains, ils étaient tous les mêmes. Tous pareils. Je ne pouvais pas leur en vouloir de rejeter Dieu... j'étais bien placé pour savoir que l'avoir toujours au-dessus de soi à surveiller ses faits et gestes étaient insupportables. Mais ces humains qui revendiquaient haut et fort leur libre-arbitre finissaient toujours un jour par supplier Dieu à un moment ou à un autre. Généralement au moment de leur mort. Pathétique.

« Peut-être que tu as raison. Il a l'air de tellement tenir à toi... si ça peut te consoler, en ce qui me concerne, tu peux aller te faire trucider par qui tu veux, ça ne m'empêchera pas de dormir. »

Là, ça allait beaucoup mieux. Il fallait qu'on se replace tous deux dans notre relation normale. Elle me détestait, je ne l'aimais pas non plus, tout allait bien. Imaginer qu'entre nous, Dieu voulait s'immiscer pour tenter de la sauver... j'en avais des frissons.

« Si tu continues ta petite guerre inutile, tu franchiras bientôt des limites et il n'y aura pas de retour en arrière. Dans le pire des cas, tu te feras tuer. Alors qu'un grand destin t'attend, si seulement tu voulais bien mettre un terme à ta vengeance. Cesse ton combat, il est inutile. »

Ouf, ça y était, j'avais délivré mon message. Je me sentis aussitôt libéré de mes chaînes et sourit plus largement. Maintenant, je pouvais dire et faire ce que je voulais, et aller où je le désirais ! Et pour l'heure, pourquoi ne pas rester ici à profiter encore un peu de cette humaine qui allait droit à la mort sans se retourner ?

Je regardais ma montre puis Suzu, toujours en souriant. Mine de rien ces petites visites avaient un côté distrayant. Bien que j’aurais préférée passer mon temps à autres choses, mais bon, un peu de visite ne faisait pas de mal de temps en temps. Bien que l’air commençait à se rafraichir légèrement.


« Peut-être que tu as raison. Il a l'air de tellement tenir à toi... si ça peut te consoler, en ce qui me concerne, tu peux aller te faire trucider par qui tu veux, ça ne m'empêchera pas de dormir. »

Je me mis à rire légèrement. C’était moche pour un ange de dire ce genre de chose. Me faire trucider ne l’empêcherais pas de dormir ? Certes je savais que personne ne m’aimait mais là, encore un peu et je serais presque triste. Mais c’était vraiment drôle. Comme quoi, les soit disant ange, personne bonne et gentille pouvait aussi faire preuve de méchanceté et de mesquineries. Ils n’étaient pas mieux que ces démons même s’ils essayaient de le faire croire. Certes étaient dupes et se laissaient avoir mais moi je savais bien que ces êtes étaient vils et manipulateurs.

« Si tu continues ta petite guerre inutile, tu franchiras bientôt des limites et il n'y aura pas de retour en arrière. Dans le pire des cas, tu te feras tuer. Alors qu'un grand destin t'attend, si seulement tu voulais bien mettre un terme à ta vengeance. Cesse ton combat, il est inutile. »

Et bla bla bla. Oui un grand destin m’attend. Anéantir les anges. Ca sera un grand destin, je vengerais mes parents et tout ceux qui se sont laisser avoir par ces soit disant être de lumière. Ma mort ? Qui pouvait s’en préoccuper ? Sincèrement ? J’étais une solitaire, je vivais seule, je combattais seule. Mourir ainsi ce n’était vraiment rien. Ce n’est pas comme si je laissais derrière moi une famille en pleure. Quoi que ma mort ferait les affaires de bons nombres de personnes. Si je ne pouvais pas être du côté de dieu et le servir comme le font ces larbins autant m’avoir morte..Comme ça je ne serais plus une menace pour lui. Cela semble logique non. Je me leva alors et me placa devant Suzu, ma main sur son torse.

- Tu as bien utiliser le temps que je t’avais donner. Mais maintenant c’est à moi de parler. Tu diras à ton cher dieu qu’il pourra t’envoyer des dizaines, des centaines voir des milliers de fois, je n’abandonnerais pas, quitte à mourir, je n’en ai rien à foutre. La mort ne me fait pas peur, et si je dois tomber, je ne tomberais pas seule car je vous emmènerais en enfer avec moi. Enfin ce serait presque triste de t’emmener aussi avec moi. Mine de rien au fil du temps j’ai finit par m’habituer à toi.

Comme toujours, c'était comme si je m'adressais à un mur. Non, même pas, le mur au moins, il se contente d'écouter sans faire de commentaires, alors qu'Aria était beaucoup moins coopérative que ça. Il était clair qu'elle se fichait éperdument du message de Dieu. Moi aussi, cela dit... mais bon je pouvais comprendre qu'au bout de la dixième fois, elle en avait marre d'écouter... Mon cher Papa semblait penser qu'elle allait changer d'avis, à force... Hey, c'est pas Dieu pour rien ! Enfin bref, moi en tout cas, je ne me faisais aucune illusion, mais au moins, j'avais fait mon job, j'étais libre comme l'air jusqu'à ce que le grand Créateur me renvoie auprès d'elle pour répéter le message.

« Tu as bien utiliser le temps que je t’avais donner. Mais maintenant c’est à moi de parler. Tu diras à ton cher dieu qu’il pourra t’envoyer des dizaines, des centaines voir des milliers de fois, je n’abandonnerais pas, quitte à mourir, je n’en ai rien à foutre. La mort ne me fait pas peur, et si je dois tomber, je ne tomberais pas seule car je vous emmènerais en enfer avec moi. Enfin ce serait presque triste de t’emmener aussi avec moi. Mine de rien au fil du temps j’ai finit par m’habituer à toi. »

Cette tirade m'arracha une grimace. Je n'aimais pas les humains, mais j'en avais été un, il y a longtemps, et ma vie humaine avait été tellement pathétique que j'avais décidé depuis le départ de mépriser l'humanité. En plus, il suffisait de les regarder cinq minutes pour être agacé, non ? Mais enfin il y en avait certains qui sortaient du lot, parce qu'ils étaient spéciaux, comme Shibuya Nana, ou parce que, comme Aria, ils ne se comportaient pas comme les autres. C'était assez courageux de sa part, finalement, quand on savait qu'elle s'était engagé dans un combat perdu d'avance qui lui coûterait la vie. Mais de mon point de vue, toute cause désespérée devait être abandonnée, surtout quand sa vie était en jeu. Toujours survivre, quitte à prendre la fuite, voilà mon mode de vie. Très différent du sien, apparemment.

« Il faut pas Lui en vouloir, tu sais... il a toujours tendance à croire que vous, les humains, vous savez rattraper vos erreurs. »


Je croisai les bras, tentant de comprendre. Pourquoi, mais pourquoi ne laissait-elle pas tomber ? Comment pouvait-elle dire qu'elle ne craignait pas de mourir ? Ça me dépassait totalement.

« J'ai vraiment du mal à te comprendre... ce que tu fais ne ramènera pas tes parents à la vie. Et toi tu mourras. Pourquoi ne pas faire comme les autres et passer le peu de temps qu'il te reste à profiter de l'instant présent ? »

D'une poussée des jambes, je m'élevai dans les airs, les bras toujours croisés, planant doucement, comme souvent quand je me mettais vraiment à réfléchir. Pouvait-elle vraiment faire quoi que ce soit contre nous ? Je n'y croyais pas vraiment. En tout cas un chose était sûr, moi je ne voulais pas finir en enfer, jamais ! J'avais mon petit confort, quand même, en tant qu'ange, et j'y tenais plus que tout !

« Ça m'embête autant que toi, mais les anges sont éternels... et les démons aussi, donc. Ça me désole de te voir agir de façon aussi... inutile... »

Cette énième confrontation était assez particulière cette fois. Peut etre parce que je n’avais pas encore envoyé Suzu boulé comme je le faisais d’habitudes. J’étais dans de bonne grace cela devait être pour cela.

« Il faut pas Lui en vouloir, tu sais... il a toujours tendance à croire que vous, les humains, vous savez rattraper vos erreurs. »

Il veut, il commande, il décide. En faite tout tournait autour de ces désirs à lui. Mais manque de pot, je n’étais pas du genre à faire de concessions et a faire plaisir aux gens. Egoiste, mauvaise et têtue, oui je l’étais et j’en étais fière

« J'ai vraiment du mal à te comprendre... ce que tu fais ne ramènera pas tes parents à la vie. Et toi tu mourras. Pourquoi ne pas faire comme les autres et passer le peu de temps qu'il te reste à profiter de l'instant présent ? »

Certes mes actions ne ramèneraient pas mes parents à la vie. J’en étais consciente et je ne le faisais pas pour ça. Je n’étais pas crédule au point de croire qu’une fois la menace éradiquer, je pourrais retrouver mes parents. Si je le faisais, c’était pour faire tomber les masques. Montrer que les mauvais n’étaient pas forcément ceux que l’ont croyait. Car tout le monde tendait à croire que le mal ne provenait que des enfer. Alors tuer des personnes innocente juste pour éviter qu’une bombe à retardement voit le jour, c’était quoi ? Ce n’était pas un acte barbare, violent et dénué de tout bon sens de la part de ces soit disant anges et dieu ? Et puis sérieusement, profiter du temps présent. Il m’avait bien regarder. Il voulait quoi ? Que je fasse comme ces jeunes filles insouciante qui font les magasins, couche à droite à gauche et tout. De un ça ne me ressemblait pas d’agir aussi futilement et de deux si je venais à mourir, encore une fois, cela ne changerait rien à la vie des autres. Ce n’est pas comme si quelqu’un allait venir pleurer sur ma tombe ou quelque chose de ce genre. Et de toute façon nous sommes tous condamnés à mourir non. Autant se faire tuer pour une bonne raison que de périr dans un vulgaire accident de voiture ou d’une maladie.

« Ça m'embête autant que toi, mais les anges sont éternels... et les démons aussi, donc. Ça me désole de te voir agir de façon aussi... inutile... »

Je levais alors les yeux vers lui, le suivant dans chacun de ces déplacements, le sourire aux lèvres comme toujours.

- Mon pauvre, je te désole, je te fais pitié. Faut croire que si on continue de t’envoyer à moi tout le temps, c’est que tu dois être aussi minable que moi et que ton bon Dieu n’a que faire que toi, te donnant des petites missions qui échoueront à chaque fois. Car je te le redis, je n’ai rien à faire de mourir. Je ne manquerais à personne. Tout homme qui vient au monde doit mourir, c’est la loi de ton dieu non ? Alors ne vous mêlez pas de la façon dont je mène ma vie. Contente toi simplement de regarder ton petit confort s’écrouler. Car même si je ne vous tuerait pas de mes propres mains, je laisserais mes marques. Que veux-tu ? Je suis une vraie ga***e.

Oui j’en était une. Dans ce genre de vie, soit on était faible et on se faisait bouffer, soit on était fort et on survivait. Moi j’avais décider d’être forte et de toute faire pour survivre.

« Mon pauvre, je te désole, je te fais pitié. Faut croire que si on continue de t’envoyer à moi tout le temps, c’est que tu dois être aussi minable que moi et que ton bon Dieu n’a que faire que toi, te donnant des petites missions qui échoueront à chaque fois. Car je te le redis, je n’ai rien à faire de mourir. Je ne manquerais à personne. Tout homme qui vient au monde doit mourir, c’est la loi de ton dieu non ? Alors ne vous mêlez pas de la façon dont je mène ma vie. Contente toi simplement de regarder ton petit confort s’écrouler. Car même si je ne vous tuerai pas de mes propres mains, je laisserai mes marques. Que veux-tu ? Je suis une vraie ga***e. »


Je me figeai et claquai des doigts vers elle pour approuver ses derniers mots. Ça oui elle était une garce ! Mais chez les humains, c'était une qualité et pas un défaut. J'en avais été un moi-même, il y avait longtemps, et depuis j'avais eu le temps de les observer. Les bonnes poires, les crédules, les naïfs et les innocents mouraient toujours en premier, les salauds, les garces et les égoïstes se défendaient avant de crever. Certes, au final, le résultat était le même. Mais ça faisait quand même une différence.


« Tu as raison sur un point, je suis un vrai chien, et si Dieu me siffle alors j'accours, et si tu penses que jouer les rebelles te rend meilleure que moi tu te trompes. C'est facile de se révolter quand tu n'as plus rien à perdre, et toi, tu n'as plus rien à perdre. »

Je haussai les épaules, me laissant paresseusement flotter dans les airs. Aucune personne ne me retenait, mais moi je tenais encore à la vie. Et puis bien sûr, il y avait cette fille, surgie de mon passé humain et qui retenait mon attention... Oui, il y avait encore certaines choses qui méritaient mon attention, sans parler du fait que moi je n'étais pas suicidaire et que je voulais vivre.


« En revanche je pense que tu te goures sur le reste. Tu manquerais à plein de monde ! A commencer par la loque qui te sert d'ange-gardien. Ce n'est pas parce que tu as décidé de jouer les solitaires que les gens qui t'entourent ne tiennent pas à toi et ça, tu ne peux rien y faire. »

Cependant, comme elle l'avait dit elle-même, elle était assez garce pour se ficher de manquer à ceux qui tenaient à elle. Et puis d'abord, qu'est-ce que je fichais là à essayer de la convaincre, moi ?? Je me fichais bien qu'elle meure ou pas, après tout ! C'était simplement la curiosité qui me faisait parler. Les humains pouvaient se montrer tellement bizarres...


« Enfin, c'est toi qui décides, comme tu me le fais judicieusement remarquer à chaque fois que je viens te voir... et pour être honnête, tant que c'est pas à moi que tu t'en prends, tu peux bien agresser tous les anges que tu veux, j'applaudirai des deux mains. »

Je grimaçai à peine ces paroles prononcées. Ça n'était pas la première fois que je tenais de tels propos, mais on ne savait jamais qui pouvait vous écouter. Dieu n'écoutait pas ses anges, mais quelques uns de ses larbins adoraient jouer les balances. Et pourtant, c'était vrai, je me fichais d'Aria, si elle mourrait ça ne ferait aucune différence pour moi, et si elle arrivait à entraîner quelques anges avec elle, ce serait un bonus. C'était tout bénèf pour moi, alors je n'allais pas me mettre à la dissuader de quoi que ce soit...

A l'évidence, mes paroles ne lui plaisaient pas. Mais ça ne m'empêcherait pas de dormir - enfin, si seulement j'avais eu besoin de dormir. Aria était toujours révoltée, toujours en colère, et après tout, elle en avait bien le droit. J'aurais pu venir la voir en lui jurant de la servir jusqu'à la fin des temps et d'aller cueillir la tête de Dieu pour elle qu'elle aurait encore trouvé le temps de me crier dessus. Tout était une question de confiance, et elle ne faisait pas confiance aux anges, et même si j'avais été humain elle ne m'aurait pas fait confiance non plus, et elle aurait bien eu raison. J'avais été un humain vraiment indigne de confiance. Au final, on pouvait dire qu'Aria avait plus de jugeote que la plupart des humains, lesquels d'habitude se laissaient avoir par mon visage angélique et mes bonnes manières.

Et le fait que j'évoque l'idée de la regarder trucider des anges avec plaisir l'énervait encore plus, évidemment. De son point de vue, ça ne pouvait ressembler qu'à de la mauvaise foi. Ben tiens, c'en était véritablement, d'ailleurs ! Et il était clair que la Hunter qu'elle était faisait de gros efforts pour ne pas s'attaquer à moi, sans que je sache si je devais m'en réjouir ou en rire. On ne savait vraiment de quoi étaient capables les humains, après tout.

« Tu sais quoi ? Je pense qu’on s’est assez vu aujourd’hui. Car si je reste encore. Tu risques de repartir d’ici avec des hématomes sur le corps. Et ce n’est pas tes petits battements d’ailes qui m’empêcheront de te faire manger le sol. Donc pour éviter ce genre de désagrément. On en restera là pour le moment. Passe le bonsoir à ton très cher père. »

Je hochai la tête et la gratifiai d'un salut joyeux alors qu'elle me tournait le dos et s'en aller sans se retourner. C'était bien elle, ça. Tourner le dos à un ennemi... en plus j'étais tout à fait le genre à attaquer les gens dans le dos. Mais elle le savait sûrement. Si je m'en prenais à elle maintenant, cela lui ferait un merveilleux prétexte pour se défendre. Pas que j'avais vraiment peur d'elle, même si ses balles de revolvers pouvaient me faire aussi mal qu'à un humain, vu ma force. En revanche, j'en connaissais Un qui se ferait un plaisir de m'aplatir sur son divin carrelage. Quelle ironie ! Aria, protégée malgré elle par l'être qu'elle détestait le plus au monde : Dieu. Y'avait quand même de quoi rire, non ?

Une fois qu'elle fut partie, je me perchai debout sur la rambarde du toit, observant la ville à mes pieds, m'étirant comme un chat, avant de lâcher tout haut :

« Eh bien au revoir, Aria, et à la prochaine fois... »

Pas que j'en avais envie, mais telle était notre malédiction à tous les deux. Elle, condamnée à me voir débarquer dans sa vie aux pires moments pour la sermonner de la part de Dieu. Moi, condamné à perdre mon temps avec elle et à subir sa colère alors que son cas m'indifférait au plus haut point. Ouais, une vraie malédiction.