Beastkind Vs Mankind

5 juin 2010 She Ming Yue et She Li Mei sont arrivées à Tokyo depuis quelques semaines. Enfin installées plutôt confortablement, et malgré le mal du pays, la jeune femme décide d'emmener la fillette au zoo pour s'accorder un après-midi de répit mérité à toutes les deux. Un répit bien mérité ai-je dit? Eh bien, cela aurait sans doute été plus agréable si notre petite fille adorée n'aurait pas décidé de faire son indépendante quelques instants seulement après être entrée dans le parc zoologique. Heureusement (?), un bon samaritain ramènera l'agneau égaré à la bergère. L'est-il vraiment?

† She Ming Yue†

She is the daughter of the moon

Un instant elle était là. Un instant, un seul petit instant, et elle n’y était plus. Quand on dit qu’une fraction de seconde peut être suffisante, c’est vrai. C’est tout bête, vraiment, mais ça arrive. Souvent.

Je sentis la panique se frayer un passage jusqu’au creux de mon estomac. Regardant frénétiquement autour de moi, je ne vis que des visages inconnus et sans importance. Je cherchais sa petite silhouette, trop petite, trop facilement dissimulable parmi cette foule d’étrangers. Où diable était-elle passée? De quel côté? Allait-elle voir les pandas? Ou était-ce plutôt les tigres auxquels elle avait fait mention avec tant d’impatience?




« She Li Mei, on s’en va à quelque part de spécial aujourd’hui. »

Immédiatement, j'avais sentis sa main agripper le bas de mon chandail. Dans ses yeux, l’excitation avait miroité comme les étoiles qui illuminent le ciel obscur.

« Est-ce que tu vas me le dire, dis? »

J'avais ris, amusée.

« Qu’en penses-tu? »

« C’est une surprise! » s’était-t-elle exclamée, joyeuse.

Nous nous étions préparées pour notre journée au jardin zoologique de Shibuya. She Li Mei adorait voir toutes sortes d'animaux. Je l'avais déjà amenée quelques fois auparavant à celui de Shanghai. Une fois le havresac préparé, nous avions marché jusqu'à la station de métro. Nous devions prendre celui de 8 h 45 et faire un transfert à deux autres stations. Le trajet pour se rendre jusqu’à destination était relativement long. Cinquante minutes exactement s’il n’y avait pas de retards.

Nous n'avions effectivement pas été retardées. Shibuya était un secteur plutôt différent du nôtre. Grâce à quelques contacts, nous avions pu emménager toutes les deux dans une maison minuscule, avec une cour extérieure qui l’était encore plus, mais la demeure était un modeste nid douillet. Nous étions localisées dans un croissant peu achalandé et un secteur relativement moderne, mais très tranquille. Shibuya regorgeait de milliers de gens qui y circulaient tous en même temps, les uns marchant sur les autres. J'avais resserré la main de She Li Mei pour m’assurer qu’elle me suivait.

À 9h 35, nous nous étions trouvées devant les grilles du zoo. She Li Mei ne tenait plus en place. Nous avions patienté pendant une vingtaine de minutes afin d’obtenir nos billets à l’entrée, puis, enfin, nous avions entré dans le jardin d’Eden selon la vision de ma fillette. Personnellement, je n’aimais pas vraiment ce genre d’endroits. Pour moi, voir des animaux enfermés dans des cages, ou des enclos - quelle est vraiment la différence - me mettais mal à l’aise. Bien sûr, je n'aurais pas inutilement gâché le plaisir de She Li Mei avec mon opinion. D’ailleurs, elle avait bien mérité cette visite. Elle avait été très sage durant toute cette agitation reliée à notre arrivée à Tokyo.



Maintenant, j’étais là, stupidement figée sur place. Sans penser à ce que je devais faire. She Li Mei était une gamine intelligente, plus mature que les enfants de son âge. En fait, elle était beaucoup plus développée que n'importe lequel d’entre nous étant donné son âge. Je lui faisais confiance. Elle ne serait jamais partie comme ça sans m’en aviser, sans une bonne raison. De toute façon, bonne raison ou non, elle n'avait pas à s’en aller ainsi. Elle en serait sermonnée.

Un moment. Un bref moment. Le temps d’une distraction. C’est tout ce qu’il a fallu pour qu’elle disparaisse.